Nous sommes surpris par la légèreté avec laquelle les opérateurs de réseaux sociaux appréhendent le terrorisme
En place depuis le 16 décembre 2015 et après avoir auditionné une soixantaine de personnes (experts, professeurs, journalistes) et s'être rendue dans plusieurs pays (Belgique, Pays-Bas, USA, Suisse, Turquie, Arabie Saoudite), la mission d'information sur les moyens de Daesh remet son rapport ce mercredi à Claude Bartolone. RMC en a dévoilé plusieurs conclusions, commentées par Jean-Frédéric Poisson, député Les Républicains des Yvelines et rapporteur de cette mission.
L'un des enseignements de ce rapport est que Daesh maîtrise parfaitement la communication sur les réseaux sociaux. La mission déplore donc qu'il n'y ait pas plus de contrôles des comptes des jihadistes sur Facebook ou Twitter. "Nous avons été surpris par la légèreté avec laquelle les opérateurs de réseaux sociaux appréhendent le phénomène du terrorisme, alarme dans Bourdin Direct Jean-Frédéric Poisson. Pour l'ensemble des dizaines de millions d'utilisateurs Twitter, seulement quelques dizaines de personnes s'occupent du contrôle de ce qui est diffusé tous les jours".
"Un grand effort à faire"
Est-ce en raison d'un manque de moyens? "Les entreprises concernées n'ont pas pris les moyens de le faire, assène le rapporteur de la mission d'information. Ce sont des entreprises privées, c'est à elles de prendre les moyens pour le faire. La puissance publique ne peut pas non plus s'organiser à la place d'entreprises qui prétendent conserver une liberté de manœuvre, ce qui est légitime. Ce sont donc leurs décisions".
De manière générale, Jean-Frédéric Poisson juge qu'il y a "un très grand effort à faire sur la contrainte qui porte sur la communication de Daesh, et ce quel que soit le support. Quand nous avons rencontré les responsables de ces réseaux sociaux, j'aurais préféré avoir une conscience plus vive de la responsabilité qui est celle de diffuseurs ou des supports. Je ne l'ai pas trouvée. Ils nous ont décrit les moyens dont ils disposent et visiblement ils ne sont pas suffisants."
Impossible de supprimer les messages
Il insiste: "On ne sent pas, de leur part, une très grande préoccupation à propos du contrôle de ces messages terroristes. Ils ne sont pas responsables de ces messages mais ils sont responsables du fait que certains d'entre eux restent beaucoup trop longtemps, même après avoir été signalés, même après avoir fait l'objet d'une forme de dénonciation interne. Malgré cela, les dispositifs n'existent pas pour supprimer purement et simplement ces messages".
Sur l'aspect de la communication, Daesh semble donc, en partie, être en train de gagner la guerre. Mais il y a aussi le côté financier. Selon le rapport de la mission d'information, les revenus de l'Etat islamique représentent environ trois milliards de dollars par an dont 900 millions proviennent du pétrole et du gaz. Si ces ressources commencent à manquer en raison des raids au-dessus de la Syrie et de la Libye, mais aussi à cause de la chute du cours du pétrole, Daesh possède d'autres sources de revenus.
"Un budget de 1,5 à 2 milliards d'euros"
"Depuis quelques mois, des documents budgétaires sur le fonctionnement de cette organisation circulent. Et ils montrent de manières assez précises que le budget de l'Etat islamique est de 1,5 à 2 milliards d'euros qui proviennent du pétrole, du blé, du coton mais aussi d'une forme d'impôt révolutionnaire, des taxes, de l'extorsion, du racket, renseigne Jean-Frédéric Poisson sur RMC. Tous les moyens possibles et imaginables de récupérer de l'argent sont utilisés. Ils ont aussi des réserves de près de 500 millions de dollars pris dans la banque de Mossoul".
"Ce qui est difficile, c'est que nous pouvons identifier les circuits financiers qui alimentent le Califat mais le problème est que ce nous identifions est, juridiquement, en dehors de notre capacité d'intervention. Inversement, les petits flux financiers, permettant par exemple le financement de l'attentat contre le Bataclan (40.000 euros) ou l'attentat de Bruxelles (20-25.000 euros), sont sous le contrôle de nos juridictions. Mais, d'une certaine manière, ils sont indécelables. C'est donc un gros point de faiblesse des démocraties face à Daesh".