"Où sont les policiers?": Eric Piolle réclame à Bruno Retailleau "la transparence sur les chiffres"

Comment gagner la "guerre" contre le narcotrafic? Alors que Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur (LR), et Eric Piolle, le maire de Grenoble (Les écologistes), s’opposent ces dernières semaines sur la bonne méthode, ce dernier demande "une stratégie" et réclame au premier davantage de "transparence" sur le nombre de policiers sur le terrain ce vendredi sur RMC et RMC Story.
"Depuis une vingtaine d’années, il y a un sentiment d’abandon, explique Eric Piolle dans Apolline Matin. Nous avons des pertes d’effectif de police, depuis que Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur en 2002. Il y a une absence de transparence sur ces chiffres. C’est la première chose que nous demandons au ministre de l’Intérieur: qu’il fasse la transparence sur où sont les policiers. Moi, les différents ministres de l’Intérieur depuis que je suis maire m’ont promis 180 policiers. Or, de ce que j’entends des syndicats, les effectifs n’ont pas augmenté. On ne sait pas. On sait qu’il y a beaucoup de monde qui manque à la police judiciaire, sur la voie publique… Les syndicats parlent d’un manque de 100 à 115 personnes, mais on ne sait même pas par rapport à quelle référence. Il y a un problème de transparence. L’Elysée nous a promis encore 25 policiers pour le mois de novembre, mais en fait on pense que ce sont des policiers qu’on nous avait déjà promis."
Les caméras, "pas de l’argent efficacement investi"
Eric Piolle, lui, n’est pas convaincu par l’efficacité des caméras de surveillance, suggérées par le gouvernement. "On a 120 caméras, six au km², assure le maire de Grenoble. Donc nous y consacrons des moyens, mais ils ne sont pas efficaces. Si on veut s’attaquer au deal, il faut s’attaquer au haut du spectre et ne pas faire juste de la démagogie. Il faut peut-être faire un peu de science, regarder les rapports d’études qui ont été faites en Angleterre, en Suisse, en Isère également, sur à quoi ça sert. Plutôt que de se laisser aller à un peu de démagogie en disant que ça ne mange pas de pain, regardons comment nous affectons nos moyens. Je ne comprends pas pourquoi, en matière de sécurité, on met de côté la science et on fait comme si on pouvait travailler en dehors d’une analyse des résultats. Ce n’est pas gaspillé, mais ce n’est pas de l’argent efficacement investi."
"Nous, nous développons les effectifs sur la voie publique, poursuit Eric Piolle. La police nationale ne fait plus que des interventions. Nous avons besoin d’une tranquillité du quotidien, d’une sécurité du quotidien. A Grenoble, nous avons encore créé cette année une quinzaine de postes sur la surveillance de la voie publique. Il y a aussi un problème d’égalité républicaine. C’est du pouvoir régalien, donc normalement c’est à l’Etat de pouvoir assurer l’égalité des citoyens, et pas seulement les villes qui ont des moyens financiers importants qui puissent faire ça, les autres étant abandonnées. Pour elles, c’est la double peine. Elles sont dans une situation de précarité et ne peuvent pas s’acheter ce que l’Etat ne fait pas."
"Les ministres choisissent la com, personne n’y croit"
Toujours favorable à la légalisation du cannabis, même si "ce n’est pas une solution miracle car il faut vraiment travailler sur la santé mentale des habitants pour qu’ils arrêtent de se droguer", le maire de Grenoble déplore finalement la "com" des ministres de l’Intérieur sur le narcotrafic, alors que Bruno Retailleau veut se battre contre la "banalisation" de la drogue. "Il fait comme tous ses prédécesseurs, pointe Eric Piolle. Il pense que par une politique ultra répressive, il va réussir à faire bouger les choses. Et puis, comme il est là pour quelques mois et il le sait, nous, on va continuer à vivre avec nos problèmes. Et il repartira, comme sont repartis M. Valls, M. Sarkozy, M. Darmanin… Ils sont de passage et du coup, ils ne veulent pas travailler sur le fond. Nous, nous demandons de la transparence, du long terme, un plan de lutte contre le narcotrafic. Et que nous, maires, puissions s’assurer de la tranquillité du quotidien auprès de nos habitants."
"Je ne dis pas qu’ils ne travaillent pas, ajoute-t-il. Mais face au caractère éphémère de leur poste de ministre de l’Intérieur, ils choisissent la com. Et pour la com, c’est plus facile d’être dans l’ultra répressif, de dire ‘maintenant ça va changer avec moi’. En fait, personne n’y croit. Ni les habitants, ni les élus locaux."