Peut-on vraiment se déradicaliser? Un ancien jihadiste témoigne sur RMC

Il se disait repenti, il a finalement commis un attentat terroriste. Armand Rajabpour-Miyandoab a tué une personne et en a blessé gravement deux autres samedi soir à Paris lors d'une attaque au couteau. Après quatre ans de prison ferme pour un projet d'attentat en 2016, il assurait depuis sa libération être repenti. Mais ce samedi, c'est au nom de Daesh qu'il a revendiqué son attaque.
Condamné pour avoir formé une cellule islamiste en Isère après s'être entraîné dans des camps jihadistes en Afghanistan dans les années 90, David Vallat, qui a aujourd'hui rompu avec l'idéologie islamiste, a été en contact avec Armand Rajabpour-Miyandoab.
La dissimulation pas infaillible
Il assure qu'on peut déceler les "faux repentis". "Toute maîtrisée que puisse être la dissimulation, il y aura toujours un vocable ou verbatim qui trahira la posture de l'individu", explique-t-il dans Apolline Matin ce mardi sur RMC et RMC Story.
"Je lance le défi à quiconque de trouver le moindre double discours ou prise de position ambiguë depuis ma prise de parole en 2015 après les attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper Casher. Si j'avais eu la moindre prise de position ambiguë, j'aurais eu des soucis avec les services de renseignements", poursuit David Vallat.
Aujourd'hui, il assure vouloir aider à comprendre l'univers mental jihadiste "pour pouvoir proposer des solutions de contre-discours et de pédagogie en termes de prévention".
Une démarche qui doit être volontaire
Car la déradicalisation est un outil encore mal maîtrisé par les autorités. En témoigne le parcours d'Armand Rajabpour-Miyandoab. La démarche reste difficile, selon David Vallat, qui explique qu'elle doit avant être "volontaire": "Toutes les actions de déradicalisation sont vouées à l'échec si la personne n'émet pas de volonté personnelle".
En 2020, alors qu'Armand Rajabpour-Miyandoab assure aux enquêteurs être déradicalisé et que sa mère tient ce même discours, il est en contact avec David Vallat via sa page Twitter. "Il m'envoyait des liens et je lui avais conseillé de cesser de s'exposer à ce type d'images, et de lire des livres et travailler", assure-t-il.
C'est ce qui a marché pour David Vallat: "Quand j'ai été incarcéré, j'étais ultraminoritaire, j'étais avec des détenus de droit commun". Un milieu qui a agi sur lui, plutôt que l'inverse alors qu'aujourd'hui, les cas de radicalisation en prison sont monnaie courante.
"L'incarcération m'a permis de faire une introspection. Je lisais deux livres par jour et ça m'a permis de me distancier de l'idéologie islamiste", explique David Vallat.
La déradicalisation entraîne un vide à combler
Aujourd'hui, il estime que les Français candidats au jihad sont dotés "d'un double logiciel". "Il y a le logiciel de leur culture française, bien qu'ils le nient, et un autre logiciel qui est celui de l'idéologie jihadiste qui rentre en confrontation. L'esprit de l'individu concerné fait le va-et-vient de l'un à l'autre. Et selon qu'il laisse prise à l'un ou à l'autre, souvent celui du jihadisme beaucoup plus violent et radical, cela pourra laisser place à ses vieux démons", explique David Vallat.
Quitter l'idéologie jihadiste laisse donc un grand vide qu'il faut combler. Par la lecture pour David Vallat donc, comme il l'avait conseillé à Armand Rajabpour-Miyandoab. Mais aussi parce qu'il n'a jamais commis l'irréparable. "Je n'ai pas sur la conscience le fait de m'en être pris à des civils. C'est peut-être pour ça que je m'en suis sorti", assure-t-il.
"On peut se déradicaliser pour peu qu'on en mette la volonté après avoir ouvert les yeux", conclut David Vallat.