Procès de l’incendie de la rue Erlanger: "C'est une femme malade", assure la mère de l’accusée

Pendant cette 2e journée de procès de l'incendie de la rue Erlanger, les proches de l'accusée se sont exprimés. - Marion Dubreuil / RMC
Le procès de l'incendie de la rue Erlanger, qui avait causé 10 morts dans la nuit du 4 au 5 février 2019 se poursuit, ce mardi. C’est avec la voix enrouée que la mère de l’accusée débute sa déposition devant la cour d’assises de Paris. Elle s’adresse aux victimes: "C'est une très grande émotion d’être ici à côté d’eux. Une émotion d’autant plus grande qu’ils ont souffert par ma fille qui est aussi mon enfant."
Michelle B., 76 ans, raconte l’enfance d'Essia B., son hypersensibilité à l’égard des plus précaires et ses premières addictions. "Petite, elle se gavait de sucre et de chocolat, la boulangère du coin m’avait alertée, explique la mère de l’accusée. Malheureusement dix ans plus tard ce ne seront plus les bonbons, mais les canettes de bière et les bouteilles de vin qu’on retrouvera sous son lit." Elle raconte aussi les troubles alimentaires de sa fille: l'anorexie et la boulimie qui maltraitent son corps, qui s’arrondit et s’amaigrit au point "qu’à 13 ans, elle était incapable de se lever le matin".
Malgré "cette grande souffrance", Essia B. réussit l’école hôtelière et décroche un CDI dans un restaurant cinq étoiles à Saint-Jean-de-Luz, "trop de stress", explique sa mère. Au même moment, elle découvre l’ecstasy et c’est à cette époque qu’elle tient ses premiers discours sur les vies parallèles et les anges.

Des diagnostics évoqués, mais pas posés officiellement
Michelle B. raconte alors l’errance thérapeutique de sa fille qui a multiplié les hospitalisations psychiatriques. 15 jours de soins, puis "elle sort et ça recommence". L’opération se répète une trentaine de fois. Quand Essia B. est enceinte de son fils, "je l’ai enfermée chez moi pendant neuf mois", explique Michelle B. qui obtient la garde partagé de son petit-fils avec le père de l’enfant. Pour le protéger de sa mère, cette grand-mère ira jusqu’à déménager à Aix-en-Provence pendant plusieurs années.
"C'est une femme malade, on ne l’a pas aidée pour la soigner", regrette Michelle B. Peut-être que de l’autre côté on ne pouvait pas la soigner. On l’a toujours soignée pour alcoolisme, c’est la partie visible de l’iceberg."
D’autres diagnostics seront évoqués: personnalité borderline, bipolarité, mais ils ne sont jamais clairement posés.
Le président interroge aussi Mariam B., la sœur aînée de l’accusée sur un épisode qui remonte à 2013. Essia B. avait mis le feu à son paillasson, comme elle le fera six ans plus tard sur le palier de son voisin. "Elle voulait récupérer son fils, explique Mariam B. Moi je cachais mon neveu avec ma mère, qui était paniquée et terrorisée. J’ai appelé la police qui est rapidement intervenue."
"Un délire mystique"
Le 17 janvier 2019, Mariam B. va chercher Essia B. à la sortie d’un train pour la conduire à Sainte-Anne, où elle est internée pendant 12 jours. "Elle était complètement désorientée. Elle avait des taches rouges sur le visage. Elle disait que les chamans l’avaient marquée", se rappelle sa soeur, qui explique que c’était la première fois que sa sœur était dans un tel "délire mystique". "Elle courait partout dans le parc, on a dû lui mettre une camisole de force et la sédater", rapporte Michelle B.
Le lundi 28 janvier dans la matinée la famille B. a rendez-vous avec l’équipe de Sainte-Anne, sauf qu'Essia B. est en colère et l’entretien est écourté. Le juge des libertés écrit: "Mme Essia B. n’est pas en mesure de quitter l’hospitalisation." Deux jours plus tard, le médecin signe sa sortie. L’avocat de la défense a demandé à ce qu’il soit interrogé au stade de l’instruction, mais il n'a jamais été entendu.

"Si vous êtes convaincue que votre fille ne doit pas sortir, pourquoi est ce que vous n’appelez pas Sainte-Anne? Vous étiez découragée?", demande Me Schapira, l’avocat de l’accusée. "Oui, j’étais découragée et je me disais 'c’est le schéma qui se répète'", lui répond Michelle B.
Entre détention et séjours en soins psychiatriques
Interrogée par des avocats de parties civiles, Michelle B. admet qu’elle n’a jamais entamé de démarches de mise sous tutelle pour sa fille. Elle n’a jamais pris le temps car elle travaillait et s'occupait de son petit-fils et de sa mère.
"Nous ne sommes pas parfaits, reconnaît cette maman. Je n’ai pas été parfaite."
Essia B. alterne aujourd’hui détention classique et séjour en soins psychiatriques. Elle est d’ailleurs en ce moment soignée à l’UHSA de Villejuif (Essonne).
"Comment envisagez-vous le futur?, demande une juge assesseure à la mère de l’accusée. Si vous l’envisagez?". "Ce que je souhaite, c’est qu’elle soit soignée, ce qu’elle n’a jamais été, répond Michelle B. Ce n’est pas à Fleury dans 9m2 qu’elle va guérir. Je conçois qu’elle soit punie, mais il faut qu’elle soit soignée pendant plusieurs années dans un endroit fermé bien sûr."
La mère de l'accusée confie aussi qu’elle fait du "mieux qu’elle peut pour son petit-fils". Un petit garçon qui s’est "construit chez sa grand-mère, avec une arrière-grand-mère très présente - aujourd’hui décédée - et avec une maman qui venait et qui repartait". Un enfant à qui elle n’a rien caché, mais à qui elle a tout expliqué progressivement avec l’aide d’un psychologue. Aujourd'hui adolescent, il "va bien", fait du sport et chante dans une chorale.