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Trafic de drogue dans les ports européens: un rapport dévoile l’ampleur du phénomène

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Dans "Apolline Matin" ce mercredi sur RMC et RMC Story, Laurent Neumann se penche sur le rapport d’Europol sur les mafias, avec notamment leur énorme présence dans les ports européens.

Le rapport d’Europol sur les réseaux criminels et notamment le trafic de drogue dans les ports européens, ça vaut largement une série Netflix… On peut même dire que la réalité dépasse la fiction. Ce rapport de l’organisation policière européenne dresse le tableau des modes opératoires des mafias de la drogue. On y découvre que les ports européens, les grands (comme Anvers, Hambourg et Rotterdam) et même les plus petits (comme Marseille et Le Havre), sont devenus les principales voies d’entrée en Europe de la drogue, mais aussi des contrefaçons et de toutes les marchandises illicites (cigarettes de contrebande, animaux protégés, armes…). Ce n’est pas nouveau bien sûr, mais ce qui frappe, c’est l’ampleur du phénomène et surtout son extrême professionnalisation.

Pourquoi les ports ? Parce qu’ils sont faciles d’accès, qu’ils fonctionnent 7j/7, 24h/24, qu’y travaillent des milliers de personnes qui traitent des volumes considérables de marchandises, et surtout que les contrôles y sont très aléatoires. Sur plus de 90 millions de conteneurs qui transitent dans ces ports, seuls 2% sont contrôlés. La proportion montre à 10% pour ceux qui proviennent d’Amérique latine, zone de production quasi exclusive de la cocaïne.

La corruption, partout

Les saisies, pourtant, sont de plus en plus importantes. Janvier dernier : 2,4 tonnes de cocaïne saisies à Anvers sur un porte-conteneurs appartenant au géant des mers MSC. Juillet 2022 : plus de 700 kilos découverts sur un bateau de la CMA CGM dans le port espagnol d’Algésiras, le 4e en Europe. Les ports français ne sont pas épargnés. En 2022, à Marseille, la douane française a saisi 1,7 tonne de cocaïne : 500 kilos en provenance du Chili et 1,2 tonne dans des conteneurs de déménagement en provenance de Martinique. Sans compter 25 tonnes de tabac de contrebande et 500.000 articles de contrefaçon. Au Havre, ce sont près de 10 tonnes de cocaïne qui ont été saisies l’année dernière. Mais plus les services de police renforcent leurs contrôles, plus les trafiquants sont créatifs…

Avec d’abord la corruption. Tout s’achète : des dockers, des grutiers, des employés des autorités portuaires et des sociétés de logistique, et surtout des salariés qui ont accès aux systèmes informatiques. Certains peuvent toucher des centaines de milliers d’euros, voire même un pourcentage sur la valeur de la cargaison. Ensuite, l’infiltration, reconnaît Europol. Les mafias infiltrent carrément les services de police et des douanes. Il arrive ainsi, quand la police a sélectionné un conteneur à contrôler, que l’information se retrouve en quelques secondes sur les réseaux de communication des trafiquants.

Des experts du piratage informatique

Mais les réseaux criminels sont surtout devenus des experts du piratage informatique. Les grands terminaux portuaires comme Anvers ou Rotterdam ont mis en place un système d’identification numérique des conteneurs. Un code de référence unique pour chaque conteneur, a priori inviolable. Chaque code est transmis à l’importateur, au terminal et à la société de transport. Ainsi certifié, il peut quitter le port sans autre formalité. Sauf que les trafiquants se procurent ces codes grâce à des hackers de haute volée. Certains ont même inventé le clonage de conteneurs : un conteneur parfaitement semblable, même couleur, même numéro d’enregistrement, même code. Les douanes n’y voient que du feu, contrôlent celui qui est clean pendant que la drogue, elle, passe ni vue ni connue…

Les douanes répliquent avec des systèmes de plus en plus performants. Intelligence artificielle, cryptage des données… Mais quand la situation se complique, les trafiquants dérivent leurs cargaisons vers des ports secondaires où les moyens de contrôle sont moins sophistiqués, Le Havre, Marseille, Livourne ou Trieste en Italie. D’où la recommandation de ce rapport à la Commission européenne : que les plans de lutte contre les trafics incluent les 328 ports du réseau européen. Mais la vérité, c’est qu’entre efficacité économique et sécurité, on privilégie l’efficacité économique. Un chiffre : un conteneur est pris en compte toutes les 6 secondes. Une aubaine pour les narcotrafiquants.

Laurent Neumann