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Un procès "du quotidien" diffusé en octobre à la télévision, une première en France

Le 19 octobre prochain, France 3 diffusera pour la première fois une audience d'un procès "du quotidien" à la télévision. Une première permise par une toute nouvelle loi voulue par le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, en avril dernier.

C'est une petite révolution dans l'histoire commune et chahutée de la télévision et de la justice en France. Le 19 octobre prochain, France 3 diffusera une audience filmée d'un procès à la télévision. C'est une première, à quelques exceptions historiques, en France, puisque jusqu'au 1er avril dernier, il était interdit de photographier et de filmer les audiences.

Pour pouvoir diffuser ces audiences, la chaîne publique a décidé de créer une série documentaire mensuelle, "Justice en France", afin de mettre en contexte les images qui seront diffusées. Dans son communiqué de presse, la chaîne explique vouloir "restituer la réalité des audiences, sans artifice technique ni mise en scène" dans une "immersion au cœur de la justice du quotidien dans tous les territoires".

En mars 2022, le ministère de la Justice et France Télévisions ont signé une Convention pour permettre cette captation filmée de certaines audiences:

"Je veux faire entrer la justice dans le salon des Français, sans verser dans la justice spectacle", faire preuve de "pédagogie" et de "transparence" sur la justice, expliquait à l'époque le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti.

Une procédure longue pour pouvoir filmer

Le dispositif pour pouvoir filmer une audience est très encadré dans la nouvelle loi sur la confiance en la justice. Ainsi, pour pouvoir filmer un procès, le diffuseur doit faire une demande motivée au ministère de la Justice qui donnera un avis. Ensuite, la demande est transmise à la cour concernée par le procès, qui acceptera ou non le projet. Si le feu vert est donné, il faudra – pour les audiences fermées au public – l'accord de toutes les parties: magistrats, avocats, justiciables... Si l'audience est publique, les personnes présentes ne pourront pas s'opposer à la captation.

De même, la diffusion ne peut se faire qu'une fois l'affaire définitivement jugée, sauf pour le Conseil d'État et la Cour de cassation, et "dans le respect des droits des parties": "droit à l’image, respect de la vie privée, présomption d’innocence, droit à l’oubli, intérêt supérieur des mineurs ou des majeurs protégés…" Au bout de cinq ans après la première diffusion, la mise en place d'un droit à l'oubli est prévue: aucun "élément d'identification" ne pourra être diffusé à partir de ce moment-là.

Quelques exceptions dans l'histoire

Il y a eu quelques exceptions historiques à cette interdiction, qui existait depuis 1954, de filmer les procès. En effet, la constitution d'archives audiovisuelles de la justice a été votée en juillet 1985. Des enregistrements vidéo ou audios deviennent alors possibles si, et seulement si, "cet enregistrement présente un intérêt pour la constitution d'archives historiques de la justice". Ainsi, le procès du chef de la Gestapo Klaus Barbie, en 1987, procès médiatique et historique, est le premier procès filmé en France. Les 145 heures de débat des 37 jours d'assises ont été enregistrées, mais la loi est ainsi faite qu'il faut l'accord du juge pour diffuser à la télévision des extraits, jusqu'aux 50 ans de la fin du procès. Les images du procès Barbie ont ainsi été diffusées pour la première fois, par grands extraits, 13 ans plus tard, en 2000, sur la chaîne Histoire TV.

Depuis, quinze autres procès ont eu cette autorisation: le procès du sang contaminé en 1992 et 1993, les procès - liés à la collaboration - de Paul Touvier et de Maurice Papon en 1994 et 1998, le procès AZF en 2009 et 2011/2012, le procès Pinochet en 2010, ou encore les procès des attentats de janvier et novembre-2015. 37 ans plus tard, c'est au tour de la justice du quotidien de s'ouvrir aux caméras de télévision.

https://twitter.com/mmartinezrmc Maxime Martinez Journaliste RMC