"Vous représentez ce que je déteste le plus, vous êtes Français et vous êtes Juifs": le récit glaçant de l'une des caissières de l'Hyper Cacher

TEMOIGNAGE RMC - L'avocat des deux caissières de l'Hyper Cacher était l'invité d'RMC. L'un de ses clientes était présente au procès pour venir témoigner et raconter l'horreur de 4 heures de prise d'otages.

C’est une période qui aura marqué la France et bien au-delà. Le 9 janvier 2015, une prise d’otages avait lieu dans une supérette du 19e arrondissement de Paris, 2 jours après les massacres dans la capitale et dans les locaux de Charlie Hebdo. L’Hyper Cacher de la porte de Vincennes était alors le lieu d’un attentat terroriste qui a fait 5 morts, dont l’assaillant, et 9 blessés.

Près de 5 ans plus tard, un procès hors norme a lieu en ce moment sur les attentats de ce mois de janvier 2015. Ce mardi, Zarie Sibony, l’une des caissières de l’Hyper Cacher est venue relater les faits, témoigner de ce jour qui aura marqué sa vie.

Un récit glaçant

Ce jour-là, Zarie Sibony passe plus de 4 heures avec Amedy Coulibaly: "Vous les Juifs vous aimez trop la vie" lui lance le terroriste. Ce dernier l’oblige à aller chercher les otages cachés au sous-sol, à répondre au téléphone. Zarie assiste à l’exécution de Yohav Hattab d’une balle dans la tête puis à celle de Michel Saada, venu faire ses courses.

C’est elle aussi qui baisse le rideau de fer de l’Hyper Cacher. "Je me suis dit qu’on allait tous être enterrés là", raconte-t-elle. Puis la jeune femme, en pleurs, se sent coupable. "Moi je n’ai pas eu une égratignure. Je pense tous les jours aux familles qui ont perdu un proche parce qu’il était Juif". À la sortie de l’audience, Zarie étreint longtemps le père de son ami et collègue Yohan Cohen. Ce 9 janvier 2015, il rangeait des caddies à l’entrée du magasin. "S’il n’avait pas été là, c’est moi qui aurais été tuée la première"...

"Il a fallu une force incroyable pour venir témoigner"

Maître Élie Korchia est l’avocat de Mme Sibony. Invité de la matinale d’RMC, il explique que sa cliente est aujourd’hui "soulagée".

"Elle a fait ce qu’elle a estimé être son devoir, pour ne pas dire sa mission. C’était extrêmement difficile de venir devant la Cour d’assises. Déjà, pour ceux qui habitent Paris c’est difficile mais quand on habite à Israël, depuis 1 an et demi, venir en pleine période de Covid avec un voyage compliqué, ça l’est encore plus. Il a fallu une force incroyable pour venir témoigner puisqu’elle a vécu 4 heures et 4 minutes dans l’Hyper Cacher face au terroriste".

"Vous représentez ce que je déteste le plus, vous êtes Français et vous êtes Juifs"

Les témoignages de ces procès ont tous été poignants et émouvants à la lumière de leur précision.

"C’était glaçant, explique Élie Korchia. Les détails dans le récit de Zarie Sibony, c’est quelque chose de très puissant. L’audition a duré près d’une heure. Elle raconte les dialogues, elle se souvient de chaque moment. On est dans une prise d’otages qui a duré plus de 4 heures".

"Il faut se souvenir de cette phrase d’Amedy Coulibaly: "Vous représentez ce que je déteste le plus, vous êtes Français et vous êtes Juifs". Ça veut vraiment dire la haine antisémite mais aussi la haine qu’avait cet homme contre notre pays en exécutant ses victimes".

"Je viens parler aussi en nos deux noms"

Zarie Sibony, caissière de la supérette, avait une collègue qui n'a pas trouvé la force de venir à Paris pour raconter. La douleur était trop importante explique maître Élie Korchia.

"Je suis avocat des deux caissières et l’autre n’a pas pu venir. Ce n’est pas qu’une simple question de volonté, elle aurait voulu venir mais c’est une question de se sentir suffisamment forte pour affronter cette épreuve et elle n’a pas pu venir d’Israël. Zarie a tout de même commencé son audition en disant : "je viens parler aussi en nos deux noms"".

Jean-Baptiste Bourgeon (avec Maxime Trouleau)