Anticor: pourquoi l’avenir de l’association qui lutte contre la corruption se joue ce mardi

Anticor, c’est le cauchemar d’un certain nombre d’élus, de hauts fonctionnaires ou de chefs d’entreprise. C’est l’association poil à gratter qui porte plainte plus vite que son ombre dès qu’il y a un soupçon de détournement de fond public. Elle a été créée en 2002, notamment par le célèbre juge d’instruction Eric Halphen. Elle regroupe aujourd’hui 6.000 adhérents, et elle vit des cotisations et des dons à 100%. C’est une petite structure avec seulement quatre salariés, mais le soutien bénévole de très nombreux juristes et avocats.
A son actif, au moins 150 dossiers. Richard Ferrand, président de l'Assemblée nationale, a dû quitter son poste à la suite d'une plainte d’Anticor. Le milliardaire Vincent Bolloré a été poursuivi pour corruption en Afrique à la suite d’une plainte d’Anticor. Alexis Kohler, le puissant secrétaire général de l’Elysée, le plus proche collaborateur d’Emmanuel Macron, est mis en examen à la suite d’une plainte d’Anticor. Pour ne citer que les personnages les plus puissants inquiétés par Anticor.
Mais pour agir, l'association a besoin d’un agrément. Un agrément délivré par le ministère de la Justice qui lui permet de se porter partie civile. Ce qui veut dire que lorsqu’une plainte est classée par le parquet, Anticor relance l’affaire en se portant partie civile, ce qui entraîne la saisie automatique d’un juge d’instruction indépendant. Et c’est comme cela que plusieurs affaires sensibles, d’abord enterrées, ont ensuite été relancées…
Crise interne
Sauf qu’Anticor a perdu son agrément en juin dernier. Cet agrément doit être renouvelé tous les trois ans. En avril 2021, le Premier ministre Jean Castex avait accepté de le renouveler mais en signant un texte qui émettait beaucoup de réserves, sur le fonctionnement et les financements de l’association.
Anticor sortait d’une crise interne. Il y avait eu des débats très vifs à propos d’un homme d'affaires proche d’Arnaud Montebourg qui faisait de gros dons sans que tout le monde en soit informé. Des débats aussi sur la question de savoir si des élus et des politiques pouvaient faire partie de l’association. Et finalement, à l'issue d’une assemblée générale, la direction avait été confortée, mais la moitié du conseil d'administration avait été écartée.
Et ce sont finalement ces dissensions qui ont porté un coup à l’association. Un coup qui est venu de l'intérieur. Deux retraités anonymes, membres de l’association et très procéduriers, ont attaqué le renouvellement de l'agrément, expliquant que le texte rédigé par les services de Jean Castex en 2021 était juridiquement contestable. Et de fait, il était très mal rédigé. La justice l’a donc annulé. Et sans agrément, Anticor s’est retrouvé paralysé.
Anticor a donc fait une nouvelle demande d'agrément, déposée le 26 juin dernier. Le gouvernement a six mois pour y répondre. La date limite, c’est donc ce 26 décembre. Normalement, c’est au ministre de la Justice de se prononcer. Sauf qu’Anticor est à l’origine de la plainte qui a débouché sur le procès d’Eric Dupond-Moretti. Le garde des Sceaux n’est donc pas neutre et c'est la Première ministre qui a repris le dossier. Mais Elisabeth Borne n’est pas neutre non plus parce qu’elle est concernée par deux plaintes d'Anticor dans deux anciennes affaires.
Elisabeth Borne s’est donc à son tour déportée samedi et c’est la ministre des Affaires étrangères qui vient de récupérer la patate chaude… Catherine Colonna a jusqu'à minuit pour accorder ou pas un agrément à Anticor. Et si elle ne dit rien, ce sera l’équivalent d’un refus. Les adhérents de l'association et les militants anticorruption vont se ronger les ongles toute la journée, en attendant la décision…