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Bagarres, gifles... Les coups d'éclat à l'Assemblée nationale, une tradition française

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La séance des questions au gouvernement a été suspendue ce mardi à l'Assemblée nationale, lorsque la députée LFI Rachel Keke a brandi un drapeau palestinien. Des coups d'éclat, l'hémicycle en a vu d'autres, et notamment des plus violents.

La séance des questions au gouvernement a été suspendue ce mardi 4 juin 2024, lorsque Rachel Keke, députée La France insoumise (LFI), a brandi un drapeau palestinien. La deuxième fois en une semaine. C’est ce que l’on pourrait appeler "le coup d’éclat permanent".

Une stratégie que Jean-Luc Mélenchon avait théorisée dès 2010. Il avait dit: "Je suis le bruit et la fureur", en s’inspirant d’un vers de Shakespeare. Mais il l’avait personnalisé en ajoutant: "Je suis le bruit et la fureur, le tumulte et le fracas." Deux ans plus tard, en 2012, dans un discours célèbre, il avait dit: "Il faut tout conflictualiser pour transformer un peuple révolté en peuple révolutionnaire".

Tensions sur Gaza

C’est cette stratégie de la conflictualisation qui a été appliquée ce mardi à l'Assemblée. Les députés LFI sont venus habillés de vert, de rouge, de noir et de blanc, et ils se sont assis sur leurs bancs de façon à former le drapeau palestinien. Les députés Rassemblement national (RN) ont alors sorti leurs écharpes tricolores, puis ils ont chanté la Marseillaise, accompagnés par un certain nombre de députés de la majorité.

Le conflit à Gaza fait monter la tension à l'Assemblée. La semaine dernière, dans la salle des Quatres Colonnes, deux députés en étaient presque venus aux mains. David Guiraud, député LFI, avait traité Meyer Habib, député pro-Israelien, de "gros porc". Meyer Habib avait répondu en le traitant d'"espèce de pourriture".

L'Assemblée en a vu d'autres

C’est violent, mais l'Assemblée nationale en a vu d’autres. Beaucoup d’autres… On se souvient des insultes adressées à Simone Veil, lorsqu’elle defendait la loi autorisant l’avortement. Les députés gaullistes l'accusaient de préparer un génocide, de vouloir envoyer les embryons au four crématoire, alors que Simone Veil était une rescapée des camps durant la Seconde Guerre mondiale.

Plus récemment, c’est le mariage pour tous qui a déchaîné des passions. Lors d’une séance de nuit en 2013, plusieurs députés UMP étaient descendus de leur rang en courant pour s’en prendre physiquement à un conseiller de la garde des Sceaux Christiane Taubira. Les huissiers avaient dû s'interposer.

Des bagarres générales

Il est arrivé que les débats dans l'hémicycle tournent à la bagarre générale. En février 1956, les députés poujadistes, dont un certain Jean-Marie le Pen, avaient affronté en bataille rangée les députés communistes. Et les tabourets avaient volé. En 1940, alors que le parti communiste venait d'être dissous, six députés communistes étaient venus siéger et les députés de droite les avaient mis dehors manu militari.

Mais la scène la plus violente qu'ait connue l'Assemblée nationale a sans doute eu lieu le 4 novembre 1904. On était en pleine affaire dite des fiches. Un énorme scandale. Les francs-maçons et des élus de gauche avaient établi des fiches, des listes d’officiers de l'armée jugés nationalistes ou catholiques à qui il fallait barrer la route. Finalement, en plein débat, un député s’était avancé vers le banc du gouvernement et avait giflé le ministre de la Défense. S’en était suivie une véritable bagarre générale. Plusieurs centaines de députés en étaient venus aux mains.

Des gifles célèbres et des duels

Il y a dans l’histoire du Parlement d'autres "gifles" célèbres. On parlait à l'époque de "soufflet", de "camouflet", ou de "mornifle", ou bien encore de "calotte" quand la gifle n'était pas très forte. Et certaines sont effectivement restées dans l’histoire. En février 1936, le député d'extrême droite Philippe Henriot s’était fait gifler par un communiste qu’il venait de le traiter de "canaille". Léon Daudet, élu de l’Action française, s'est également pris une mandale mémorable.

A l’époque, les conflits pouvaient se régler par un duel, au pistolet ou à l'épée. Georges Clemenceau, par exemple, s’est battu douze fois en duel. Le dernier duel de l’histoire parlementaire remonte à 1967. Le député maire de Marseille Gaston Defferre s’était battu à l'épée contre un député gaulliste qui l’avait traité d'"abruti". C'était un duel au premier sang: le premier qui saigne a perdu. Et c’est Gaston Defferre qui avait gagné.

Nicolas Poincaré