Candidature d'Emmanuel Macron: "Il doit tirer profit des idées économiques de DSK"
"Emmanuel Macron est une personnalité atypique en ce sens que, dans les deux dimensions que l'on attend d'un homme politique, il peut se référer à des traditions bien différentes: selon qu'il aborde son rapport à la politique et selon qu'il aborde son rapport à l'économie. En matière politique, sans doute du fait de sa formation et du fait que, par exemple, il a été un temps assistant du philosophe Paul Ricœur, il a une conception finalement assez traditionnelle, assez républicaine, il a d'ailleurs été un temps Chevènementiste.
Et cela se voit, notamment dans la période récente, son insistance sur le fait que la fonction présidentielle doit intégrer la dimension symbolique: le président de la République doit être au-dessus et devant et pas seulement, et pas essentiellement, un président normal. De ce point de vue-là, il ne procède donc pas du tout de l'idée qu'il faudrait moderniser la fonction présidentielle.
"Il ne ressemble pas aux socio-libéraux habituels"
Autant il est dans la verticalité sur les questions politiques, autant, à l'inverse, sur les questions économiques et sociales, il est sur le registre de l'horizontalité. Il croit à l'esprit d'entreprise, à l'idée qu'il faille libérer les énergies, au fait qu'il faille individualiser les parcours professionnels, que les statuts doivent s'adapter aux personnes… D'où des propositions un peu choc. Il ne ressemble donc pas aux socio-libéraux habituels de ce point de vue-là.
Au plan économique, il est plus libéral et, au plan politique, il est plus dans la symbolique de la tradition que l'on s'en fait depuis plusieurs siècles. Comme si finalement dans son esprit, plus les individus devaient se déployer sur les marchés, plus, en contrepartie, la question de la symbolique politique devenait décisive comme façon de tenir ensemble les Français.
"On sent la marque républicaine"
Je pense qu'Emmanuel Macron est quelqu'un qui aime l'échange, le contact. C'est quelqu'un qui s'entoure d'avis très divers et il ne verrait pas, de ce point de vue, de contradictions entre le fait d'échanger avec François Hollande ou avec Dominique Strauss-Kahn. Ce qui est vrai c'est que le discrédit dans l'opinion de DSK est tel qu'il est difficile d'exposer trop d'échanges avec lui. Mais, je pense qu'Emmanuel Macron doit tirer profit des idées économiques de DSK.
Il a d'ailleurs dans son équipe des personnalités qui faisaient partie de l'équipe de DSK en 2011. En son temps, celui-ci pouvait représenter la sensibilité la plus social-démocrate à l'intérieur du socialisme. Nous dirons qu'Emmanuel Macron incarne aujourd'hui, au plan économique, la personnalité la plus social-libérale au sein de la famille social-démocrate.
Mais on ne retrouve cette petite filiation entre les deux que sur le plan économique. Au plan politique, celle-ci n'existe pas vraiment. On sent chez Emmanuel Macron, dans beaucoup de ses interventions et de ses propositions, la marque républicaine ce qui n'était pas du tout le cas de Dominique Strauss-Kahn qui lui était plutôt un démocrate.
"Bousculer le clivage gauche-droite"
Je pense que ce qui fait la force ou la singularité d'Emmanuel Macron c'est que, pour un homme de gauche, l'idée de vouloir redonner de l'énergie et de la compétitivité à l'économie française par tout un tas de choses comme l'inadaptation des 35 heures, la privatisation du Pôle emploi, … Tout un tas de mesures choc qui visent à redonner des marches de manœuvre aux entreprises à un moment où les Français sont un petit peu conservateurs.
La candidature Macron ne peut exister que si finalement il y a une déstabilisation du rapport des Français à la politique. Il lui serait alors possible, par sa dynamique propre, de venir complètement bousculer le clivage gauche-droite. Ce ne sera sans doute pas évident de réussir une telle dynamique.
Ce qui pourrait l'aider à ça, c'est si Nicolas Sarkozy emportait la primaire de droite et François Hollande était le candidat de la gauche. Parce que le pays ne pourra pas, en 2017, réactiver l'imaginaire français, dont les candidats sont des acteurs, avec les mêmes acteurs qu'en 2012. C'est du coup une éventuelle ouverture pour Emmanuel Macron pour qu'il récupère une partie de la gauche et une partie de la droite qui ne veut pas avoir à choisir entre Sarkozy et Hollande".