Conseil constitutionnel: les révélations fascinantes sur les délibérations sur l’affaire Tiberi en 1998

Une bien curieuse séance du Conseil constitutionnel… C’est une histoire qui a plus de 25 ans mais que l’on découvre aujourd’hui grâce à l’ouverture des archives de l’institution et à l’AFP qui s’est plongée dedans.
En 1997, le maire de Paris, Jean Tiberi s'était fait réélire pour la 9e fois député du Ve arrondissement. Seulement quelques mois plus tard, le Canard enchaîné révélait une vaste affaire de faux électeurs. Jean Tiberi était accusé de domicilier des amis dans l’arrondissement et de proposer des places en crèche ou des emplois en échange de leur vote. Dans un immeuble qui n’existait pas, on trouve 11 électeurs inscrits. Dans un autre qui est muré, 25 électeurs. Chez une secrétaire de Jean Tiberi qui vit seule, sept électeurs censés habiter avec elle…
Une plainte est déposée par la candidate socialiste battue par Jean Tibéri. Et en février 1998, le Conseil constitutionnel se penche sur le dossier. Il doit décider s’il invalide ou pas l'élection du député et maire de Paris. Et c’est fascinant.
Pourquoi sanctionner?
Les archives révèlent les délibérations des Sages. La conseillère d'État qui a instruit le dossier estime que les faits sont délictuels, mais elle plaide pour la validation de l'élection. Un membre du conseil, Jacques Robert, dénonce une opération de racket électoral, une cascade d'irrégularités. Mais il vote pour la validation de l'élection.
Le vieux gaulliste Yves Guéna trouverait normal qu’on sanctionne, mais il ne va pas le faire. Une Sage venue de la gauche, Noëlle Lenoir, parle d’une fraude de grande ampleur, mais elle vote aussi en faveur de Jean Tiberi. Un autre Sage fait remarquer que les communistes font la même chose. Alors pourquoi sanctionner… Bref, à la fin, c’est à l'unanimité que le Conseil constitutionnel, présidé par Roland Dumas, valide l'élection du tricheur.
Officiellement, le Conseil expliquera que Jean Tiberi avait gagné avec 2.700 voix d’avance et qu’il n’était pas prouvé qu’il y avait plus de 2.700 faux électeurs…
En réalité, cela montre surtout qu’il y a 25 ans, le président de la République était encore très puissant. Ce jour-là, les Sages avaient décidé de ne pas déplaire à Jacques Chirac, l’ami de Jean Tiberi. A l’unanimité, ils avaient validé une fraude pour ne pas fâcher le président. Quelques années plus tard, Jean Tiberi a été condamné à dix mois de prison avec sursis.