D'où vient la théorie du "grand remplacement" évoquée par Valérie Pécresse?
Valérie Pécresse a remis l'expression au centre du débat politique ce dimanche lors de son "grand meeting". Le "grand remplacement", c’est l'idée que l’on assiste à la substitution de la population française par une population étrangère. En l'occurrence, maghrébine et africaine. Un remplacement, selon cette théorie, qui se fait par l’immigration et par la natalité. Et qui signifie qu'à terme, les Français seront minoritaires en France.
La civilisation française sera selon cette théorie remplacée par une civilisation musulmane. Et tout cela avec la complicité active des "élites mondialisées". Les élites politiques, intellectuelles, médiatiques qui sont qualifiées de “remplacistes”. Qui souhaitent ou organisent ce remplacement, ou qui au minimum en sont complices par leur silence. Voilà la thèse qui se cache derrière ces mots de "grand remplacement".
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Renaud Camus à l'origine de l'expression
Cette thèse est développée par l’écrivain Renaud Camus. Un homme qui vient de la gauche et du Parti socialiste. Depuis plus de 40 ans, il écrit un journal, régulièrement publié. Il a publié des textes qui montraient une certaine complaisance à l'égard de la pédophilie. C’est un homme de 75 ans qui vit dans son château dans le Gers.
Au début des années 2000, il avait choqué ses amis et ses lecteurs en estimant qu’il y avait trop de juifs à France Culture. En 2014, il a été condamné pour incitation à la haine et à la violence pour avoir assimilé les musulmans à des voyous qui colonisent la France. Le terme de "grand remplacement", il l’a développé dans ses livres à partir de 2010 et notamment en publiant en 2011, "Le grand remplacement".
Le concept du "remplacement" est bien plus ancien
L'idée que les Français allaient se faire remplacer ne date pas d’hier. Sauf que longtemps, c'était les juifs qui étaient stigmatisés. En 1886, Edouard Drumont, dans son livre "La France Juive", écrit que les juifs veulent détruire la France et la "remplacer".
Maurice Barrès, un peu plus tard, dénonce les envahisseurs que l’on ne plus assimiler. Le terme de "grand remplacement" a aussi été utilisé par René Binet, dans les années 1950, toujours pour parler des juifs. René Binet était un ancien trotskiste, devenu collabo puis SS pendant l’occupation.
Cette notion appartient depuis très longtemps au vocabulaire de l'extrême droite. Mais cela ne sortait guère des petits cercles identitaires. En 2019, par exemple, Renaud Camus s’est présenté aux élections européennes et il a recueilli 1.518 voix. Même pas 0,001% des suffrages. Le "grand remplacement" n’avait pas fait un triomphe.
Eric Zemmour a réussi à en faire un des principaux thèmes de la campagne
Eric Zemmour a réussi sa percée en parlant essentiellement de l’immigration, de l’islam et du "grand remplacement". Et le terme s’est, de fait, banalisé. Marine Le Pen refuse de l’employer parce qu’elle ne partage pas la vision complotiste d’un plan établi. Mais autour d'elle, son numéro deux, Jordan Bardella, parle du "grand remplacement". Jean-Marie Le Pen aussi et depuis longtemps. Marion Maréchal-Le Pen n’a pas peur du mot non plus.
Et voilà maintenant que Valérie Pécresse a, à son tour, parlé dimanche du "grand remplacement", pour dire que ce n'était pas une fatalité. Lundi matin, elle a précisé ses propos. Selon elle, elle voulait dire qu’elle ne se résignait pas aux thèmes imposés par Eric Zemmour.
Il n'empêche que tout le monde ne l’a pas compris comme ça, y compris dans son propre parti. Xavier Bertrand a demandé une clarification à la candidate. Pour lui, il faut préciser que le "grand remplacement, ce n’est pas nous".
En attendant, le terme est effectivement entré dans le vocabulaire. Et dans les esprits. Selon un sondage Harris Interactive pour Challenges, 67% des Français s'inquiètent d'un "grand remplacement" à venir.