"Expliquez-nous": Emmanuel Macron témoin d'une "défaillance" au 3919, la ligne d'écoute des femmes en détresse

Le jour du lancement du Grenelle sur les violences faites aux femmes, Emmanuel Macron est allé visiter les locaux du 3919, la ligne d'écoute des femmes en détresse. Le téléphone sonne et une écoutante très expérimentée fait signe au président de la République de prendre un casque pour écouter, mais sans intervenir.
En ligne, une femme en train de se séparer de son mari après 40 ans de mariage. Ce dernier l’a frappé et la menace de mort. Elle voudrait qu’un gendarme la raccompagne chez elle pour prendre des affaires, car elle a peur de son mari, mais le gendarme refuse.
“Passez-le-moi”, demande l’écoutante alors qu’Emmanuel Macron lève les yeux au ciel. La spécialiste essaye de convaincre le gendarme, lui dit que c’est la loi, que cette femme est en danger, qu’il doit la protéger. Mais rien à faire, le gendarme explique que les procédures l’empêchent de faire accompagner cette femme chez elle.
Macron "exaspéré"
La journaliste de Libération qui a assisté à la scène raconte qu’Emmanuel Macron est exaspéré. Que Marlène Schiappa aussi, mais que le président n’est pas intervenu, parce que la règle du jeu avait été fixée comme cela. Il était là incognito.
Cependant, une enquête a été ouverte dès mercredi et confiée à l’inspection générale de la gendarmerie. L’affaire est prise au sérieux. La direction générale de la gendarmerie indiquait mercredi que la prise en charge de cette victime apparaît totalement défaillante. Que le gendarme a montré une absence d’écoute et que son refus répété de porter assistance est contraire à la charte d'accueil.
En entendant ces toutes premières déclarations, on pouvait s’attendre à ce que ça chauffe pour son matricule. Il avait échappé de peu à l’engueulade présidentielle, mais il n’allait pas échapper à des sanctions de sa hiérarchie.
Sauf que les premiers éléments de l'enquête administrative montrent que l’affaire est un peu plus compliquée. D’abord, le gendarme n’est pas vraiment gendarme. C’est un chargé d’accueil volontaire, un jeune CDD. On peut supposer que le refus d’assistance n’était pas son initiative, mais plutôt une consigne de ses chefs.
Un cas très particulier
Ensuite et surtout le cas particulier de cette femme qui demandait de l’aide était connu dans cette gendarmerie, elle avait demandé il y a quelques semaines une protection pour son déménagement. Elle quittait son mari violent et avait peur de sa réaction. Les gendarmes avaient alors accepté et assuré la protection du déménagement où tout s'était bien passé.
Mardi lorsqu’elle a de nouveau demandé une protection, il lui a été répondu que l’appartement était vide, que son mari n'était plus, et qu’il n’y avait ni urgence ni danger. Finalement juste après ce coup de fil en présence d’Emmanuel Macron, une patrouille est revenue à la gendarmerie et a décidé d’accompagner cette femme chez elle. Sans savoir que l’affaire allait faire autant de bruit. Elle a donc obtenu au bout du compte, l’aide qu’elle était venu chercher, même si pendant un quart d’heure, un chargé d'accueil lui a d’abord dit non.
Toutes les associations de victimes de violences conjugales ou de violences sexuelles disent qu’il y a des problèmes d’accueil dans les commissariats et les gendarmeries. Souligner et dénoncer les dysfonctionnements, c’est très important. Sauf que cette affaire n’était pas forcément la meilleure illustration de ces dysfonctionnements.
Un gradé de la gendarmerie disait: “On fait du social toute la journée, on accueille des dizaines de milliers de personnes dans la détresse. Parfois, on est bon, parfois moins". Là, l'enquête devrait conclure qu’ils ont été moyens... mais pas aussi borné que ce que l’on a d’abord cru.