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"Expliquez-nous": vers des noms de rues issus de la diversité

Emmanuel Macron voudrait que les rues françaises portent plus de noms de personnalités issues de la diversité. Une liste de 400 noms sera bientôt rendue publique.

Emmanuel Macron dans son interview à Brut vendredi a affirmé "qu’une partie de notre histoire n’est pas représentée et une partie de notre jeunesse qui se cherche, et qui cherche des héros qui lui ressemblent. On va donc publier le mois prochain un catalogue de 400 noms de français venus d’ailleurs".

Les maires pourront ensuite, s’ils le souhaitent, piocher dans cette liste pour baptiser, une rue ou une place pour ériger une statue. 

L'idée, curieusement, est venue de l’armée française. L’été dernier au moment de l’anniversaire du débarquement en Provence, l'armée avait publié un recueil de 100 biographies de soldats africains ayant libéré la France. 

La ministre chargée de la ville, Nadia Hai et l’historien Pascal Blanchard ont alors décidé de faire le même travail mais sur deux siècles. Et donc de réunir un comité qui sélectionnerait 400 noms de Français noirs, arabes, juifs, arméniens, ou asiatiques qui méritent d'être honorés. 

Cette initiative est arrivée au moment où l'on déboulonnait les statues

Ce n’est pas un hasard. Après la mort de Georges Floyd aux États-Unis, on a commencé à déboulonner ou à détruire les statues d’hommes soupçonnés d’avoir été esclavagistes. Puis, le mouvement a gagné l'Angleterre, la Belgique et en France on a par exemple tagué des statues de Colbert.

Emmanuel Macron était contre ces déboulonnages et il a donc encouragé une autre démarche: ne pas réécrire l’Histoire mais ne plus ignorer que l’Histoire de France n’a pas été écrite que par des blancs. Il a donc franchement encouragé l’élaboration de cette liste des 400 noms.

Qu'elles sont ces personnes qui pourraient bientôt donner leurs noms à des rues? 

Beaucoup des noms cités nous sont inconnus. Et c’est ça le problème que l’on entend réparer. 

Camille Mortenol, Guadeloupéen, polytechnicien, patron de la défense de Paris pendant la première guerre mondiale. Do Huu Vi, Français d'origine vietnamienne, un des premiers aviateurs militaires en 1914. Son avion est abattu. Il survit, il se soigne, reprend le combat et se fait tuer dans la bataille de la Somme.

Raphaël Elizé, Martiniquais, arrière-petit-fils d’escale, élu maire de Sablé dans la Sarthe, déporté par les nazis, mort à Buchenwald. Boughera El Ouafi, Algérien et premier Français médaillé d’or au Marathon en 1928 à Amsterdam. Haroun Tazieff, très grand spécialiste des volcans, né en Pologne immigré en France, né d’un père géorgien musulman et d’une mère ukrainienne. 

Et puis une curiosité: une famille bretonne, la famille Ruellan de Saint Malo. Ils étaient 18 enfants. 

En 1914, 10 frères sont partis à la guerre, 6 ont été tués dans les tranchées. J’ai demandé à Pascal Blanchard, l’historien, pourquoi une famille bretonne dans cette liste. Il m’a répondu que la diversité, c’est les Français de toutes origines, y compris les Bretons. 

Que peut-on vraiment espérer en changeant les noms des rues?

Chacun jugera, si c’est du communautarisme, si c’est démagogique, si c’est de l’ordre du symbole. Si c’est du “en même temps”. En même temps, une loi sur le séparatisme contre l’islamisme radical. En même temps une mesure pour honorer des Français musulmans.

En tout cas, ceux qui sont à l’origine de cette liste y croient. Par exemple, la journaliste Isabelle Giordano, elle-même moitié Italienne, moitié Guadeloupéenne. Elle défend qu’il y a toute une partie de l’Histoire de France qui est non dite et non écrite. Et même effacé. Que les Français issus de l’immigration manquent de modèle et de représentation. Et le nom des rues, des places des avenues, des impasses, c’est un reflet de notre façon de voir l’Histoire.

Qui sont les grands hommes qui ont le plus de rue en France?

Il n’y a que des hommes. Dans l’ordre: Charles de Gaulle, Pasteur, Victor Hugo, Jean Jaurès, Jean Moulin, Gambetta, le général Leclerc, le Maréchal Foch, Jules Ferry, Clémenceau. 

Des politiques, des militaires, un écrivain et un scientifique… Un français venu d’ailleurs, dans ce top 10: Gambetta était d’origine italienne. La première femme est Marie Curie : 18ème. C’était une immigrée polonaise.

Nicolas Poincaré