Faut-il suspendre la réforme des retraites? "C'est pour calmer le jeu, ça ne sert à rien"

"Si c’est la condition de la stabilité du pays, on doit examiner les modalités et les conséquences concrètes d’une suspension" de la réforme des retraites, a lâché mardi dans les colonnes du Parisien Elisabeth Borne. Une main tendue vers le Parti socialiste assumée par l'ancienne Première ministre, qui avait déclenché en 2023 le 49.3 pour faire passer le texte. "Dans le contexte actuel, pour avancer, il faut savoir écouter et bouger", a concédé la ministre démissionnaire de l'Éducation nationale.
Une réforme passée en force qui avait été très contestée sur le terrain avec d'importantes mobilisations sociales au printemps 2023 et qui, depuis, est toujours clivante. De quoi faire réagir les Français. "Il va bien falloir trouver une solution un jour ou l'autre car il faut aller de l'avant, on a envie de stabilité", réagit Damien, interrogé dans les rues de Paris.
Et si cela passe par un rétropédalage sur la réforme des retraite, "tant mieux". "Si on peut éviter une dissolution qui amenerait encore plus d'incertitudes, cela peut être une bonne chose. La stabilité doit passer en fait par une convergence des partis politiques", poursuit-il. Suspension, en attendant 2027? "Ce n'est pas assez, j'ai l'impression que c'est pour calmer le jeu, ça ne sert rien. Je pense que je préférerais une abrogation", dit Maël.
"On a besoin de faire des économies"
À l'autre bout de l'échiquier politique, Augustin, électeur de droite, lève les yeux au ciel. "Ce serait essayer d'acheter les voix d'Olivier Faure et essayer de faire un gouvernement. Ce serait reculer pour mieux sauter. On a besoin de faire des économies, tout le monde doit faire des efforts", considère-t-il. Ne pas brader, ne pas sacrifier le budget sur l'autel des compromis politiques concluent certains, qui plébiscitent un retour aux urnes pour de nouvelles législatives.
Pour l'instant, le Premier ministre démissionnaire ne s'est pas exprimé sur une potentielle suspension de la réforme des retraitres. Sébastien Lecornu ne l'a pas évoquée ce matin lors de sa prise de parole à Matignon et du côté des socialistes, qui ont été reçus rue de Varenne à 10h, "aucune assurance sur la réalité de la suspension" n'a été donnée. "Cette histoire peut être un leurre complet", a-t-il mis en garde.
"Ce n'est pas mettre les deux genoux à terre"
Du côté de LR et Horizons, qui font partie du "socle commun", hors de question de toucher à la réforme des retraites. Au sein de Renaissance, les députés EPR sont aussi divisés sur la question et ont été pris de court par la sortie d'Elisabeth Borne, qui n'aurait pas prévenu le Premier ministre ni le président de la République.
Un journaliste du Figaro a notamment dévoilé des échanges au sein d'une boucle des députés EPR, l'ancienne porte-parole du gouvernement Maud Bregeon étant résolument contre. "Le compromis ce n'est pas mettre les deux genoux à terre par peur de la dissolution. Est-ce à nous de pousser à l'annulation de la seule réforme structurelle que nous avons portée devant les électeurs en 2022?", a-t-elle écrit.
Le Premier ministre a fait évaluer le coût du projet alternatif du PS
D'un point de vue économique, le ministre démissionnaire de l'Economie Roland Lescure a fait savoir qu'une telle mesure coûterait des "centaines de millions en 2026 et des milliards en 2027". Selon son entourage, le Premier ministre démissionnaire Sébastien Lecornu a demandé il y a 15 jours au ministère de l’Économie une évaluation du coût de l'ensemble du projet de budget alternatif du Parti socialiste, où figure une suspension de la réforme des retraites.