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"Finie la vie privée": la loi contre le narcotrafic veut permettre l'accès aux messageries cryptées et divise

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Alors que la proposition de loi pour lutter contre le narcotrafic est débattue ce lundi à l'Assemblée nationale, plusieurs mesures, jugées nécessaires par les forces de l'ordre, inquiètent les avocats.

Des mesures pour lutter contre le narcotrafic, mais à quel prix ? La proposition de loi débattue à l'Assemblée nationale à partir de ce lundi qui vise à lutter contre le narcotrafic est défendue par le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, mais l'opposition s'inquiète de mesures dangereuses pour les libertés individuelles.

Concrètement, ce texte vise à donner "de nouveaux moyens d'agir" aux forces de l'ordre. Outre la naissance d'un parquet national anticriminalité ou encore le placement des narcotrafiquants dangereux dans des prisons très sécurisées, on trouve aussi la possibilité d'obtenir certains échanges issus de messageries cryptées comme Whatsapp ou Telegram par exemple.

Une mesure nécessaire pour la police, mais liberticide selon les opposants

"Les narcotrafiquants sont hyper connectés", remarque Eddy Sid, représentant du syndicat SGP Police. Les têtes pensantes des réseaux de trafic de drogues font de ces applications un véritable outil de travail selon lui:

"Pour écouler les produits, recruter, perpétrer des narcomicides, des tentatives de rackets sur des commerçants à Marseille... Des personnes depuis la prison arrivent à donner le go, ça passe via les messageries cryptées."

Problème pour les forces de l'ordre, il n'est pas possible d'accéder à ces messageries, protégées par le chiffrement, dont profitent les narcotrafiquants. "On a des services qui s'occupent de ça pour essayer d'infiltrer ces messageries cryptées. C'est beaucoup trop long. Pour mieux appréhender les individus et pour éviter les passages à l'acte, on a besoin effectivement d'avoir la main dessus", réclame Eddy Sid.

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Police et renseignements réclament donc, un peu à la manière des écoutes téléphoniques, que sur demande les plateformes lèvent leur chiffrement pour laisser libre accès aux conversations.

Une mesure qui est envisagée par la proposition de loi débattue ce lundi à l'Assemblée. Mais, pour l'opposition, elle représente un danger pour les libertés individuelles. "Si on commence à affaiblir le chiffrement, on l'affaiblit pour tous", déplore Maître Archambault, avocat spécialisé dans le numérique au barreau de Paris.

"On a des personnes qui vont pouvoir rentrer dans des échanges privés de particuliers. C'est-à-dire que s'en est terminé de la vie privée, s'en est terminé d'un des principaux piliers des sociétés démocratiques modernes", ajoute-t-il.

Maître Archambault doute toutefois "que les plateformes acceptent de s'y soumettre".

Les dossiers coffres inquiètent les avocats

Invitée d'Apolline Matin, ce lundi, Julie Couturier, avocate et présidente du conseil national des barreaux, s'est dite "inquiète", notamment à cause du système des dossiers coffres envisagé par la proposition de loi. Cette mesure doit permettre de ne pas dévoiler aux avocats des narcotrafiquants certaines techniques d'enquête, de surveillance ou d'infiltration.

Bien que le dossier coffre ait été révoqué en commission, il pourrait revenir à l'Assemblée et être tout de même adopté. "C'est un point qui pose problème parce qu'il porte atteinte au principe du contradictoire, qui fait que la défense doit avoir en sa possession les mêmes éléments que les services d'enquête, là il s'agirait d'avoir un PV distinct", argumente Julie Couturier au micro de RMC.

"Le but est légitime et je le comprends : protéger les policiers, mais il existe déjà des dispositifs d'anonymisation d'enquêtes quand cela est nécessaire", souligne la présidente du conseil national des barreaux, qui rappelle la volonté claire des avocats de lutter contre le narcotrafic.

Inès Zeghloul (avec TRC)