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Fonds Marianne: pourquoi le cinglant rapport du Sénat fragilise encore plus Marlène Schiappa

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Le rapport du Sénat sur le fonds Marianne dénonce un "fiasco" et pointe la responsabilité de Marlène Schiappa, l'actuelle secrétaire d'État chargée de l'Économie sociale et solidaire et de la Vie associative.

La commission d'enquête sénatoriale a rendu ses conclusions sur l’affaire du fonds Marianne. Les sénateurs parlent d’un fiasco et désignent Marlène Schiappa comme principale responsable… Pour les sénateurs, ce fonds Marianne, c’est d’abord un “coup politique”. En avril 2021, juste après l’assassinat du professeur Samuel Paty, Marlène Schiappa, qui était ministre déléguée à la Citoyenneté, avait débloqué deux millions et demi d’euros pour combattre le séparatisme et financer des contre-discours à l’islam radical. L’intention était sans doute bonne, mais la réalisation a été bâclée et a tourné au fiasco. Principalement, disent les sénateurs, parce que la ministre l’a conçu comme un coup politique.

Le rapport de la commission d'enquête souligne que la distribution des fonds a été gérée par le cabinet de la ministre. Un appel à candidatures a été lancé. Le jury chargé de sélectionner les 17 associations qui allaient recevoir de l’argent était composé de fonctionnaires et de membres du cabinet de la ministre. Le cabinet, c'est-à-dire les collaborateurs directs et proches de Marlène Schiappa, a eu un rôle actif dans la sélection de ces associations. Tout cela dans la plus grande opacité, puisque le jury n’a pas rendu public le contenu de ses délibérations.

Mais le rapport dénonce surtout les interventions de la ministre elle-même. Il y en a eu au moins deux. Marlène Schiappa est intervenue en faveur de l’association animée par le journaliste Mohamed Sifaoui. Elle l’a reçu trois fois selon le rapport, alors qu’elle affirmait n'avoir fait que le croiser. Et surtout, elle a commenté par mail le montant de la subvention qu’il allait recevoir avant même l’appel à candidatures.

En l'occurrence, elle n’intervenait pas pour qu’il touche plus d’argent. Au contraire, elle souhaitait réduire le montant de la subvention. Mais c’est la date qui pose problème: Mohamed Sifaoui n’avait pas encore fait acte de candidature. Ce qui indique que les dés étaient pipés d’avance.

L’autre intervention que l’on reproche à Marlène Schiappa concerne SOS racisme. Cette fois, la ministre a fait savoir qu’elle ne souhaitait pas que l’association antiraciste bénéficie du fonds Marianne.

725 euros le tweet

Les sénateurs s'interrogent aussi sur ce qui a été fait avec l’argent public. Et ce sont deux associations qui sont mises en cause. Celle de Mohamed Sifaoui a reçu la plus grosse subvention, 355.000 euros. Et avec cet argent, elle n’a fait que publier des messages sur les réseaux sociaux. 401 tweets, une petite centaine de messages sur TikTok et Instagram. Les sénateurs ont sorti leur calculette. Cela revient à 725 euros le tweet, ce qui est assez cher… Le bilan est “insignifiant”, commentent les sénateurs.

L’autre association épinglée par la commission d'enquête s’appelle "Reconstruire le commun". Elle venait d'être créée, n’avait aucune légitimité et elle a reçu plus de 300.000 euros pour produire de petites vidéos à caractère politique, qui n’avaient rien à voir avec la lutte contre l’islam radical. Mais qui avait pour but de dénigrer des adversaires politiques du gouvernement. Par exemple, Anne Hidalgo ou Sandrine Rousseau. Le choix de cette association est une erreur de casting, selon le rapport. Et les attaques contre les personnalités politiques sont qualifiées d’inacceptables.

Que va-t-il se passer maintenant? Les sénateurs se gardent bien de tirer des conclusions sur le plan pénal parce que cela relève de l’enquête confiée à des juges d’instruction par le parquet national financier, pour détournement de fonds publics. Les sénateurs vont transmettre à la justice les éléments qu'ils ont rassemblés, mais ce sont des juges qui diront si des poursuites doivent être engagées.

En revanche, le rôle d’une commission d'enquête, c’est de dénoncer des responsabilités politiques. Et les conclusions sont claires. Le rapport parle de "gâchis", "d'amateurisme", de "double fiasco", de "fait du prince". Ils jugent que les prises de parole de la ministre ont été "consternantes et affligeantes". Et ils concluent que la responsabilité politique de Marlène Schiappa est engagée. C’est maintenant Emmanuel Macron qui en tirera ou pas les conséquences…

Nicolas Poincaré