Gabriel Attal seul face aux députés : un nouveau format pour les questions au gouvernement

Le Premier ministre Gabriel Attal à l'Assemblée nationale, le 26 mars 2024. - BFMTV
Depuis 1974 et leur instauration, les questions au gouvernement sont un exercice théâtral qui fait figure de “contrôle” du gouvernement par le Parlement. Le Premier ministre, Gabriel Attal, veut expérimenter, mercredi, une nouvelle formule pour redynamiser cette tradition, un peu uséé.
Après la séance habituelle avec l'ensemble du gouvernement le mardi à 15 heures, celle du mercredi, à 14 heures, donnera lieu à un face-à-face inédit de 45 minutes entre le locataire de Matignon et les députés.
L'exercice rappelle celui du "Prime Minister's Questions", le mercredi midi à la Chambre des communes britannique. "C'est une excellente inspiration", juge le député Renaissance Charles Rodwell, lui-même franco-britannique. Gabriel Attal "donnera une cohérence d'ensemble à la politique gouvernementale" juste après le Conseil des ministres.
La gauche et la majorité Horizons et MoDem s’y opposent
Expérimentée jusqu'à fin mai, cette nouvelle formule a été validée mardi dernier avec le soutien de Renaissance, de la droite et l'extrême droite, mais la gauche et même les alliés de la majorité Horizons et MoDem s'y sont opposés. Cyrielle Chatelain, présidente des députés écologistes, redoute une "concentration encore plus forte du pouvoir médiatique chez Gabriel Attal", qui "efface ses ministres".
"On n'est pas naïfs sur le timing. Ça lui offre une exposition médiatique en pleine campagne des européennes", dénonce-t-elle, avant le scrutin du 9 juin.
Le socialiste Arthur Delaporte ne veut pas non plus d'un "Attal Show, le mercredi après-midi". Chez les centristes, le patron des députés MoDem Jean-Paul Mattei est sceptique: "Pour moi un gouvernement, c'est une équipe. Là, on incarne vraiment la verticalité", juge ce proche de François Bayrou. Gabriel Attal "est brillant mais pas omniscient", alors qu'il devra répondre à des questions tous azimuts, sur des dossiers précis.
Un désintérêt croissant pour les QAG
Autre allié du camp présidentiel, le groupe Horizons pointe un "risque de désacralisation de la parole du Premier ministre". C'est la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet qui a suggéré cette formule pour réaffirmer la place des QAG (questions au gouvernement) parmi les "temps forts de la vie parlementaire", alors que ces séances filmées connaissent un désintérêt croissant de la part des députés comme du public.
L'ex-Première ministre Élisabeth Borne n'avait pas donné suite. Gabriel Attal, rompu aux joutes médiatiques, a quant à lui accepté ce face-à-face. Le prédécesseur de Yaël Braun-Pivet, Richard Ferrand, avait renoncé à la séance du mercredi pour un rendez-vous plus long le mardi, avec un "droit de réplique" des députés, après la réponse ministérielle. Mais cette longue séance, clairsemée à la fin, n'avait pas convaincu, notamment du côté de la chaîne parlementaire LCP.
Yaël Braun-Pivet a donc relancé fin novembre deux séances hebdomadaires mardi et mercredi (une expérimentation jusqu'à fin juin), sans trouver pour autant la martingale. Mi-février dans un courrier aux députés, elle soulignait qu'une "participation importante des députés" est "indispensable".
Un accueil favorable à LCP
Chez LCP, on accueille donc plutôt favorablement la nouvelle formule avec le Premier ministre. "C'est porteur car Gabriel Attal est un bon client, un bon rhéteur. Ça ne l'aurait pas été avec Élisabeth Borne", tranche le PDG de la chaîne Bertrand Delais. Jusqu'à rebooster les audiences ?
"Il y aura peut-être un petit effet Attal, mais qui ne va pas jouer à plein, car c'est un tout. Nous sommes dans une période de ventre mou" de l'actualité parlementaire, faute de grande loi à l'Assemblée, estime-t-il auprès de l'AFP.
Spécialiste du Parlement, la juriste Mélody Mock-Gruet attend prudemment de voir à quoi va ressembler le nouvel exercice: "Le risque, c'est que les députés tentent de ramener ça vers quelque chose de très territoire, pour tenter d'obtenir une réponse du Premier ministre sur une usine qui ferme dans leur circonscription", estime-t-elle.
"Ce n'est pas vraiment la même formule qu'en Grande-Bretagne où une série de questions est posée par le leader de l'opposition", le travailliste Keir Starmer, "avec une dimension nationale", relève-t-elle.