Insultes, menaces… L’abrogation de l’abrogation de l’âge de la retraite a viré au grand bazar

La bataille autour de la question des retraites se poursuit à l’Assemblée. En commission des affaires sociales, ce mercredi, les députés ont rejeté une proposition qui voulait rétablir l'âge de départ à 62 ans. Et tout cela se passe dans une grande confusion, on pourrait presque dire un grand bazar… C’est assez difficile à suivre mais on peut tout de même essayer de rendre compréhensible ce débat compliqué. Après l’adoption de la réforme des retraites et sa validation par le Conseil constitutionnel, on aurait pu croire que l’affaire était pliée et que la réforme allait s’appliquer à partir du 1er septembre.
Mais le groupe de députés indépendants Liot a déposé une proposition de loi avec un article 1 très simple: la loi prévoyant le départ à la retraite à 64 ans est abrogée. On en reste donc au départ à 62 ans. Le gouvernement a d’abord fait valoir que cette proposition de loi n'était pas constitutionnelle, parce que la Constitution prévoit dans son article 40 que les propositions de loi ou les amendements des députés ne doivent pas grever les finances de l'État. Les parlementaires ne peuvent pas voter des lois qui réduisent les recettes ou augmentent les dépenses. Ce qui était le cas de ce texte d'après le gouvernement, qui a donc demandé au président de la commission des lois de déclarer irrecevable la proposition de loi.
Sauf que le président de la commission des lois, c’est l'insoumis Eric Coquerel, qui a pris la décision inverse. Il a considéré que le texte était recevable. Et du coup, la proposition du groupe Liot est arrivée ce mercredi en commission des affaires sociales. Et c’est là que cela a chauffé. La majorité a proposé l’abrogation de l’article 1 et c’est passé de justesse, 38 voix contre 34, avec les voix de la majorité plus des LR. Le groupe des Républicains avait au dernier moment remplacé certains de ses députés par d’autres, pour être sûr de leur vote.
L'opposition de gauche a alors déposé plus de 1.000 amendements. Avec un calcul simple: si tous les amendements n’étaient pas examinés dans la journée, alors c’est le texte d’origine qui aurait été présenté en sessions plénière. La présidente de la commission des affaires sociales a jugé que c'était une obstruction manifeste et elle a décidé que ces amendements ne seraient tout simplement pas examinés. Les députés de la Nupes ont hurlé au déni de la démocratie et ils ont quitté la salle.
Vers une nouvelle motion de censure?
Tout cela s’est déroulé dans une ambiance électrique. La salle était trop petite. Il y a eu des insultes, des menaces… On n’avait jamais vu une telle tension lors d’une réunion de commission. En tout cas, on en est resté là, et par conséquent l'Assemblée nationale examinera la semaine prochaine un texte totalement vidé de sa substance.
Mais les députés pourront tenter de rétablir cet article. Et Charles de Courson, le député Liot à l’origine de la proposition de loi, le fera certainement: il proposera de rétablir son article 1, abrogé ce mercredi. Mais la présidente de l'Assemblée Yaël Braun Pivet a prévenu qu’elle comptait prendre ses responsabilités. Elle a le droit de déclarer l’amendement irrecevable au nom de l’article 40 de la Constitution, celui qui interdit aux députés de prendre des initiatives qui coûtent cher. Et c’est certainement ce qui va se passer.
Dans ce cas, les oppositions ont déjà prévu de déposer une nouvelle motion de censure. Le feuilleton n’est donc pas terminé. Ce que l’on retient, c’est que finalement sur cette réforme des retraites, les députés n’auront jamais voté. A cause de l’obstruction de la Nupes, dit le gouvernement. Non, répond l'opposition: à cause de la peur du gouvernement de voir son texte rejeté. Mais résultat, on se demande comment le gouvernement va pouvoir faire passer des réformes dans les quatre ans qui viennent. A moins que justement, ce bazar ne puisse pas durer quatre ans…