L’affiche d’Alain Juppé? "On imagine très bien que ça peut être une photo posthume"

- - BFM
Elodie Mielczareck (Déjouez les manipulateurs, Editions Nouveau monde):
"Il y a plusieurs choses un peu dérangeantes. D’abord, il y a un souci avec les couleurs. C’est cette espèce de bleu en fond, un bleu passé, un vieux bleu, qui pose question. Il ne faut pas croire que c’est si anodin que ça, les couleurs. D’un point de vue du cerveau, c’est vraiment la première chose qu’on perçoit, avant les formes. Ça a une incidence forte. On retrouve le bleu, blanc, rouge, aucun problème là-dessus. Mais dans la tonalité de bleu, il sort de manière étonnante. Le bleu est terne, il vient éteindre l’image.
"On est dans un code qui est presque celui du photomaton"
Et comme le fond est totalement uni, on est dans un code qui est presque celui du photomaton. Ce n’est pas du bas de gamme, mais c’est un peu pauvre. Il n’y a pas de recherche, de dégradé, il n’y a rien. Je pense que cette affiche est tout à fait à côté de la plaque. Celle d’avant, c’était intéressant, il y avait une rupture, parce qu’il n’y avait pas de visage. Le message c’était ‘moi Alain Juppé, je suis capable de m’effacer pour porter un projet qui me dépasse en tant qu’individu’.
ôLà, on est sur une affiche qui reprend des codes, mais très classiquement. Elle est très institutionnelle, très officielle, très statutaire. Sauf qu’Alain Juppé n’était pas du tout attendu sur cette dimension-là. Personne ne remet en cause son expérience. Par contre on va beaucoup lui reprocher qu’il soit déjà d’un certain âge. Surajouté à ce côté classique, il y a un côté passéiste. Le cadrage, son aspect sérieux, on voit souvent ça dans les séries américaines quand il y a des décès. Là, on imagine très bien que ça peut être une photo posthume.
"Dans ce contexte de Toussaint, ça vient réactiver des signes qui auraient pu passer de manière plus inaperçues"
Quand on analyse les signes et les symboles, on ne peut pas les analyser dans l’absolu, on le fait par rapport à un contexte. Et ce contexte oriente parfois l’affiche. Dans ce contexte de Toussaint, ça vient réactiver des signes qui auraient pu passer de manière plus inaperçue.
J’ai du mal à la comprendre cette affiche. On l’attaque aussi sur ‘attention, quand il était au gouvernement, les gens descendaient dans la rue’. Et donc sur la continuité. Et là on retrouve des codes très officiels, qui sont dans la continuité. Mais qui dit continuité au niveau de la forme, dit continuité au niveau du fond, de l’idéologie. Et lui, son positionnement c’est plus de dire qu’il s’adresse à tout le monde, qu’il s’adresse aux jeunes, qu’il est dans le coup. Là, il n'est plus du tout dans le coup, donc cette affiche est dramatique à tous ces égards-là".