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Loi Duplomb: "On n'est pas obligés de choisir entre les agriculteurs et notre santé", plaide Marine Tondelier

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Alors que la pétition contre la loi Duplomb a franchi dimanche la barre du million de signatures sur le site de l'Assemblée nationale, un débat, sans vote, pourrait être lancé. Marine Tondelier milite contre l'application de cette loi chez les Grandes Gueules.

La pétition, à l'initiative d'une jeune étudiante, contre la loi Duplomb a dépassé dimanche le million de signatures. Cette loi vise à lever les contraintes au métier d'agriculteurs, mais est décriée à cause notamment de la réintroduction de certains pesticides toxiques autorisés partout en Europe.

Adoptée le 8 juillet au Parlement, la loi Duplomb prévoit notamment la réintroduction à titre dérogatoire et sous conditions de l'acétamipride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes, interdit en France mais autorisé en Europe. Ce produit est réclamé par les producteurs de betteraves ou de noisettes, qui estiment n'avoir aucune alternative contre les ravageurs et subir une concurrence déloyale.

Retrouvé dans 46% des cheveux des enfants

Pour Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes, pas de doute, cette loi ne devrait pas être appliquée. Et elle n'est pas la seule à le penser, dit-elle sur le plateau des Grandes Gueules ce lundi: "On a 83% des Français qui sont contre le fait de réintroduire dans l’air, l’atmosphère, l’environnement, les sols, l’alimentation, un pesticide qui a été interdit en France en 2018". Ce pesticide, comme elle explique, avait été mis sur le marché en 2004.

"Il n'est pas resté très longtemps en service et pourtant on en retrouve dans 46% des cheveux des enfants, ou dans leur liquide céphalo-rachidien donc en contact avec le cerveau. Et on sait qu’il franchit la barrière placentaire, donc peut atteindre le fœtus", avance-t-elle.
Loi Duplomb : prêt à signer la pétition ? - 21/07
Loi Duplomb : prêt à signer la pétition ? - 21/07
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Aujourd'hui, "nous sommes exposés par l’épandage parce que ça se retrouve dans l’eau, l’air, ça se pose sur votre peau et par l’alimentation, ça rentre dans votre organisme".

"On a les mêmes combats"

Malgré tout, Marine Tondelier dit entendre les revendications des agriculteurs, qui, eux, militent pour l'application de la loi Duplomb. "Je sais que c’est compliqué mais à un moment, il faut qu’on s’entraide. Je ne suis pas dans une posture en disant qu’on ne s’aime pas écologistes et agriculteurs, ce n’est pas vrai on a les mêmes combats", leur répond la secrétaire nationale du parti Les Écologistes.

Et ce que demandent en premier les agriculteurs, sont des meilleurs revenus. C'est l'un des points principaux de leur mouvement de revendication depuis bientôt deux ans. Pour l'élue, "c’est bien légitime, le nerf de la guerre c’est les revenus".

"Quand on voit le nombre d’heures que les agriculteurs passent à travailler, ce n’est pas normal, pas décent et nous on se bat là-dessus", explique Marine Tondelier.

"Offrir aux agriculteurs des petites mesurettes en disant que ça va aller mieux sans jamais parler de leur revenu, c’est hypocrite", dénonce-t-elle ensuite. Elle poursuit: "Dans la loi Duplomb, les écologistes ont fait des amendements contre la concurrence déloyale, ce que demandent les agriculteurs. Nous avons demandé à ce que n’entrent plus dans les frontières des substances qui sont interdites en France".

Mais cette loi a eu un parcours parlementaire atypique, car une motion de rejet a été adoptée par ceux qui défendent le texte pour lui permettre de passer directement en Commission mixte paritaire et éviter les débats à l'Assemblée et le vote d'amendements qui auraient pu modifier le texte. "Nous avons fait ces amendements mais comme cette loi n’a pas été examinée à l’Assemblée nationale, à cause d’un petit truc en soumsoum, les amendements n’ont pas pu être discutés", regrette Marine Tondelier.

Loi Duplomb : les agriculteurs défendent leur texte face à une pétition record
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Développer des alternatives

Alors pour répondre aux besoins des agriculteurs, et maintenir en même temps l'interdiction de l'acétamipride, elle propose de développer des alternatives à ce pesticide. "Pourquoi, dans ce pays, on n'a pas plus développé les alternatives? Pourquoi on ne met pas le paquet sur la recherche d’alternatives?", martèle l'écologiste.

"On n’est pas obligés de choisir entre les agriculteurs et notre santé".

La France est le seul pays européen à avoir interdit l'utilisation de ce pesticide, jugé toxique pour la santé. Alors quand elle est confrontée sur les importations de produits européens contenant cet insecticide, elle répond: "en Picardie par exemple, il y a plein d’endroits où on ne peut même plus boire l’eau du robinet. Quand tu respires, tu ne choisis pas l’air que tu respires. Ce que tu achètes en magasin, tu le choisis".

Surtout que la France a tenté de rallier ses voisins. Lorsque la France a interdit l'acétamipride, Julien Denormandie, ancien ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, a "fait des dossiers au niveau européen pour dire que c’est vraiment une substance dangereuse", avec des études de l’Anses à l'appui pour demander à l'interdire au niveau européen. Sauf que cette interdiction devrait intervenir d’ici la fin de l’année, "de quoi on a l’air si nous-même on le réintroduit", interroge-t-elle.

Elle termine: "Certains agriculteurs que j'ai rencontrés s’en sortent très bien en bio, il y a des solutions".

Solenn Guillanton