Mayotte, Antilles, Nouvelle-Calédonie… Les grands défis de Manuel Valls pour son retour surprise

C’est la grosse surprise dans le gouvernement de François Bayrou: le retour de Manuel Valls. François Bayrou voulait des poids lourds? Des personnalités identifiées? Manuel Valls en est une, c’est un ancien ministre de l’Intérieur (2012-2014), ancien Premier ministre (2014-2016). François Bayrou voulait des ministres de gauche? Même s’il a rejoint le camp d’Emmanuel Macron, Manuel Valls a fait sa carrière au Parti socialiste: maire d’Evry (2001-2012), député de l’Essonne (2002-2012, 2017-2018), puis ministre de François Hollande pendant les attentats de 2015.
En 2018, il annonce son retrait de la vie politique française pour être candidat aux élections municipales de 2019 à Barcelone, sans succès. Sa liste arrive en quatrième position et il est élu conseiller municipal. Par la suite, de retour en France, il se présente sans succès aux élections législatives de 2022 des représentants des Français établis hors de France pour la coalition de la majorité présidentielle Ensemble. Et à chaque remaniement ministériel, son nom circule, non sans un brin d’ironie. On le dit souvent candidat à tout, tout le temps. Cette fois, c’est la bonne. Manuel Valls revient aux affaires et pour de bon. Il est ministre chargé des Outre-mer, ministre d’Etat, troisième dans le rang protocolaire.
Depuis qu’il a quitté le gouvernement de François Hollande, il tente un retour en politique. Et c’est sans doute pour cela que François Bayrou dit de lui qu’il est "une personnalité kamikaze", ce lundi soir sur BFMTV. "Une personnalité audacieuse, qui ne craint pas les risques", selon le Premier ministre. Il faut dire qu’il est honni par la gauche, et doit affronter un procès en trahison. Manuel Valls a perdu la primaire socialiste en 2016 et a refusé de soutenir Benoit Hamon, en préférant Emmanuel Macron. Son ex-famille politique lui reproche aussi des positions radicales sur la laïcité ou encore sur les "gauches irréconciliables".
Mayotte sur la réserve
Alors, pourquoi le nommer aux Outre-mer? Parce que c’est aujourd’hui "l’une des questions les plus lourdes", selon François Bayrou. Son entourage explique à RMC que ça fait donc sens qu’un ancien Premier ministre occupe ce ministère. C’est vrai qu’il faut se pencher de manière très urgente sur plusieurs dossiers. Comme la reconstruction de Mayotte, bien sûr. Une loi spéciale préparée la semaine dernière doit être présentée en conseil des ministres. Il faut acheminer l’eau courante, rendre totalement opérationnel cet hôpital de campagne qui vient d’être installé à Mamoudzou…
Salim Nahouda, vice-président du collectif des citoyens de Mayotte, s’avoue "très inquiet" après la nomination de Manuel Valls. "Quand il a été Premier ministre, nous n’avons pas vu ce qu’il a apporté de plus à Mayotte, ajoute-t-il. Le chef de l’Etat est passé ici en disant qu’il y a la possibilité de reconstruire Mayotte en deux ans. Nous espérons que ce ministre des Outre-mer accompagnera cette politique. Si on doit attendre que ce soit lui qui oriente la politique, Mayotte est mal barrée. Je suis très sceptique."
Manuel Valls, spécialiste de la Nouvelle-Calédonie
Manuel Valls va devoir aussi s’atteler à la question du pouvoir d’achat aux Antilles. Un protocole de lutte contre la vie chère a été suspendu du fait de la censure. Et aussi, régler la crise en Nouvelle-Calédonie. La Nouvelle-Calédonie, c’est un sujet que Manuel Valls connait bien, depuis ses débuts en politique. Il a commencé sa carrière auprès de Michel Rocard, un des artisans des accords de Matignon et considéré comme l’un des pacificateurs de la Nouvelle-Calédonie. Quand il était Premier ministre, Manuel Valls était chargé du dossier calédonien. Il s’est prononcé à plusieurs reprises contre l’indépendance de ce territoire. Il a aussi dirigé en tant que député une mission d’information sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.
Charge à lui, maintenant, de déminer la situation sur le Caillou, qui a connu des émeutes extrêmement violentes au printemps: 13 morts dont deux gendarmes, des centaines de blessés. C’était après l’adoption d’un projet de loi constitutionnel pour élargir le corps électoral. Aujourd’hui, la réforme est abandonnée. Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher étaient sur place le mois dernier. Ils ont lancé mission de concertation et de dialogue. Dès l’explosion des violences, Manuel Valls avait dressé un constat très critique sur la gestion de cette crise par Emmanuel Macron. Il avait même regretté de ne pas avoir été consulté par le président. Manuel Valls avait alors déjà pointé deux priorités: "le rétablissement de la sécurité et la reconstruction économique". Le voilà aux manettes. A lui, maintenant, de s’y atteler.