Agressivité au volant: "à chaque fois, j’ai peur pour ma vie", dénonce une automobiliste

Un an après la mort de Paul Varry, un cycliste parisien écrasé par un SUV après une altercation, la Sécurité routière a publié cette semaine une nouvelle campagne de communication "Priorité au respect" pour lutter contre l'agressivité au volant.
Et selon un sondage Kantar, plus d'un Français sur deux déclare avoir subi un comportement hostile, allant de l'insulte, d'un geste déplacé (35%) au frôlement volontaire (28%). 37% des automobilistes interrogés reconnaissent même avoir déjà adopté un comportement agressif.
Pourtant, 8 Français sur 10 se disent respectueux du code, mais seulement 3 sur 10 estiment que les autres automobilistes le sont. Alors, il faut réaffirmer la priorité au respect, c'est pourquoi la Sécurité routière distribue des flyers, et incite les conducteurs à arborer un sticker sur leur véhicule.
"Il m'a balancé un coup de poing"
Et Robert Sebbag a lui-même été victime de cette agressivité sur la route. Il dit en avoir "très peur" et raconte: "j’étais en voiture tout seul et devant moi le conducteur n'avançait pas, alors j’ai fait un coup de klaxon tout gentil, et là il ouvre la portière et sort".
"Je pensais qu’il voulait me parler alors j’ai ouvert ma vitre et là il m’a balancé un coup de poing. J’étais en sang", raconte-t-il.
Aujourd'hui, il dit ne plus être aussi à l'aise sur les routes. "Ça me fait peur quand je suis en vélo par rapport aux automobilistes, et quand je suis en voiture par rapport aux vélos."
"J'ai peur pour ma vie"
Pour Cathy, auditrice d'Estelle Midi et employée télécom, la route "c'est la jungle." Celle qui fait 120 km deux fois par semaine dénonce les comportements des autres usagers, quitte à mettre sa vie en danger.
"J’ai failli avoir deux accidents graves parce que des gens ont doublé sur ma voie en pleine montée alors qu’il y avait une ligne blanche".
Cathy a donc elle aussi "très peur" de prendre la voiture: "à chaque fois c’est systématique j’évite des accidents, j’ai peur pour ma vie."
D'autres aussi n'osent plus rien dire face aux incivilités, comme Florian qui juge "qu'au moindre petit truc, on peut se faire fracasser la voiture". Ou encore Pierrot, pourtant routier: "quand je vois les gens faire n’importe quoi, je ne klaxonne pas parce que je sais que certains peuvent péter les plombs et devenir très violents. J'ai envie de rentrer en vie le soir chez moi".
"On m'a suivi"
Romane, auditrice et chauffeuse livreuse, subit elle aussi tous les jours des insultes et gestes déplacés. Lorsqu'elle doit déposer des colis en ville, et qu'il n'y a pas de place, elle raconte être obligée de se "mettre en plein milieu de la route ou sur le trottoir". Comportement qui peut vite énerver les autres automobilistes, alors bloqués.
"Ça arrive souvent que les gens me klaxonnent ou m'insultent. La dernière fois, on m'a suivi quitte à griller des feux rouges. On me veut du mal alors que je fais juste mon travail", déplore-t-elle chez Estelle Midi.
Une montée de la violence au volant
Pour Pierre Chasseray, délégué général de l’association 40 millions d’automobilistes, la montée de ces violences est "terrible". Il explique: "quand on est dans l’habitacle, on voit le monde autour de nous alors que quand on est chez nous, on a pas de contact. En voiture, on est plongé dans le monde, on se sent protégé mais on est dans un univers à partager avec les autres et parfois ça peut poser soucis."
Selon lui, il y a deux types de personnes. Une partie va se contenter d’un petit mot doux, "ce n’est pas bien, on le fait mais il n’y a pas mort d’homme". Et puis il y a une autre partie, environ 13% qui sont prêts à sortir de leur véhicule pour en découdre, "c’est colossal et là vous tombez sur des gens potentiellement dangereux."
"Il y a parfois de simples altercations pour un clignotant. On se rend compte qu’on est dans une société qui dérive dans la violence et c’est ça qui me fait peur", dénonce le porte-parole de 40 millions d’automobilistes.
"C'est dramatique"
Il reprend l'exemple du décès de Paul Varry le 15 octobre 2024, percuté par un automobiliste en SUV: "c’est un meurtre, comment on peut en arriver là? A un tel niveau de violence dans notre société?"
Autre exemple plus récent, une banale altercation fin septembre qui a viré au drame au Mans dans la Sarthe. Pour un refus de priorité, Flavien a été victime d'un coup de couteau. Il est décédé.
Alors ce qui gêne vraiment Pierre Chasseray, c'est "l'explosion de la violence, le passage à l’acte". Avant "on passait à autre chose, on lâchait une petite insulte" mais aujourd’hui la difficulté "c’est qu’on peut se retrouver face à quelqu'un qui est prêt à en découdre, c’est dramatique".
Cette campagne, c'est donc "une bonne intention" mais "ça ne suffit pas", dit-il.
"Ca traduit une faille sociétale, mais ça ne fera pas de mal", explique-t-il.
Avant de conclure: "il va falloir ringardiser ce comportement macho viriliste au volant".