"Michel Barnier, pas très marrant, mais le meilleur négociateur": l’avis tranché d’Arthur Chevallier

C’est vrai que, de loin, Michel Barnier à Matignon, ça fait un peu "old school". Il ne ressemble pas à l’idée qu’on se fait d’un homme politique aujourd’hui. Il est modéré, mesuré, tempéré. Disons qu’il a un petit côté "chiant", mais après tout, Roger Lemerre aussi, et ça ne l’a pas empêché de faire gagner l’équipe de France à l’Euro 2000. Michel Barnier paye son style. Il n’est pas très flamboyant, mais est-ce qu’on a vraiment besoin d’un aboyeur de plus?
La politique, ce n’est pas seulement une question de style. Il va aussi falloir naviguer dans une Assemblée totalement fracturée. Et c’est là que la citrouille se transforme en carrosse. Michel Barnier est un excellent négociateur, c’est sa réputation depuis longtemps. Quand il était ministres des Affaires étrangères, il a fait libérer plusieurs otages, Christian Chesnot, George Malbrunot, Florence Aubenas.
C’était aussi l’homme du Brexit, qui a réussi à rassembler toute l’Europe contre l’Angleterre. Boris Johnson, le Premier ministre britannique, voulait un Brexit sans condition, uniquement à son avantage. Souvenez-vous, il promettait de soumettre les technocrates de Bruxelles, et nous menaçait du soir au matin à la Chambre des communes. Résultat des courses: Barnier a tenu bon, avec le sourire, sans bouger d’un millimètre. Et il a gagné. Johnson a négocié.
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"Pour avoir Matignon, il fallait négocier"
Nous avons besoin d’un diplomate. La diplomatie, ce n’est pas la faiblesse. C’est arriver à ses fins en prenant son temps. Historiquement, la France n’est pas un pays de diplomatie. Nous, on préfère les coups d’éclat, le panache, la provocation. Nos héros, ce sont plutôt Jeanne d’Arc, Louis XIV ou le général de Gaulle. A leur façon, ce sont tous des chevaliers. Mais la France ne se résume pas à des guerres et des coups de gueule. Elle a aussi été faite par des hommes bien polis, bien cravatés, qui discutent pendant des heures dans des salons pour trouver des solutions. Richelieu, principal ministre du roi Louis XIII, était bien plus à l’aise dans un château que sur un champ de bataille, et pourtant il a fait de la France une des premières puissances du monde.
Ses talents de négociateur suffiront-ils contre un Olivier Faure ou une Marine Tondelier? Il y a une différence entre Olivier Faure, Marine Tondelier et Michel Barnier, c’est que, lui, il est Premier ministre. Comme quoi leur méthode n’est pas si bonne. Ils répètent qu’ils sont arrivés en tête il y a trois mois, c’est vrai, mais ça n’est pas suffisant. Pour avoir Matignon, il fallait négocier. Et ils ont préféré se disputer entre eux et s’entêter sur leur programme plutôt que de faire des concessions. Ils ont préféré la confrontation à la conversation. Quand on fait de la politique, la gagne n’est pas une matière à option, c’est une condition. Et c’est la première leçon que vient de leur donner Michel Barnier.