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Pour les jeunes, "le FN n'est plus le grand méchant loup décrit par leurs parents"

Marine Le Pen, en plein selfie avec de jeunes sympathisantes Front National, en septembre dernier.

Marine Le Pen, en plein selfie avec de jeunes sympathisantes Front National, en septembre dernier. - Jean-François Monier - AFP

Si le Front National a obtenu 27,88% des voix au premier tour des régionales, dimanche, c'est aussi parce qu'il a su attirer les jeunes, qui n'hésitent plus à voter pour le parti de Marine Le Pen.

Il était une époque, dans les années 80-90, où le vote FN restait quelque peu honteux : on avait du mal à l'avouer publiquement. Et encore plus chez les jeunes, où l'on avait même plutôt tendance à se montrer carrément hostile au parti alors dirigé par Jean-Marie Le Pen. Mais ça, c'était avant. Avant la dédiabolisation liée à l'arrivée de Marine Le Pen à la tête du parti, avant un changement de ligne et la (tentative de) fin des dérapages. Aujourd'hui, beaucoup de jeunes votent Front national, et le clament haut et fort.

"Pas de rejet de principe du FN par les jeunes"

Si le Front National a pu récolter 27% des voix au premier tour des élections régionales, dimanche, c'est en partie grâce à eux. Selon une étude menée par Harris Interactive pour 20 Minutes, 34 % des 18-30 ans ont voté pour le parti de Marine Le Pen. Tous les jeunes n'ont pas voté pour le FN, puisque ce sont aussi de gros abstentionnistes avec 65% des 18-24 ans qui ont boudé les urnes dimanche, selon un autre sondage Ipsos. "On a effectivement chez les 18-24 ans qui sont allés voter, une bonne partie d'entre eux, une majorité relative, qui a opté pour le Front National, confirme Gaël Sliman, président de l'institut Odoxa, sur BFMTV. Donc aujourd'hui, il n'y a pas de rejet de principe du FN par les jeunes, au contraire d'ailleurs".

"Dans mon groupe d'amis on est beaucoup à avoir basculé"

Et il suffit de les interroger, comme l'a fait RMC à Marseille pour s'en rendre compte. Dans la région Provence-Alpes-Côte-D'azur, la candidate frontiste Marion Maréchal - Le Pen a obtenu 40,55% des suffrages. Parmi ses électeurs, Nicolas, 29 ans. Jusqu’ici, il avait toujours voté à droite mais dimanche il a basculé. "C'est la première fois, oui. J'ai sauté le pas". Pourquoi ? "Parce que la droite nous prend pour des imbéciles. Quand on gratte un peu, on voit qu'ils sont pareils que la gauche. Ils sont d'accord sur l'Europe, sur l'immigration, sur l'économie… ils sont d'accord sur tout, quoi".

Et il n'est pas seul dans son entourage. "Dans mon groupe d'amis on est beaucoup à avoir basculé, on a tous franchi le pas et je pense que cela va durer un sacré moment". D'ailleurs, les résultats du premier tour des régionales dans les villes conquises par le FN lors des dernières municipales font écho aux propos de Nicolas, puisque le FN y fait de meilleurs scores encore.

"On se dit: pourquoi pas partir sur autre chose?"

Mais ce ne sont pas que les électeurs de droite qui ont basculé. Ainsi d'Olivier, 34 ans, qui votait à gauche avant de se tourner vers le FN à l'occasion de ce scrutin. "Avant effectivement je votais socialiste, parce que mes parents votaient à gauche. Les années passant, on se fait sa propre opinion, on voit ce qui se passe, que ce soit au niveau du chômage, de l'insécurité… On en est toujours au même point. Et du coup, on se dit : pourquoi pas partir sur autre chose ?".

D'autant que l'image du Front National n'a plus rien à voir avec celle qui prévalait sous l'ère Jean-Marie Le Pen. Pour la politologue Virginie Martin, la génération des 18-34 ans n’a tout simplement pas la même perception du FN que celles d'avant. "Ces jeunes ont connu un Front National très présent dans les médias, tout à fait normalisé dans les élections. Et donc ce grand méchant loup parfois décrit par leurs aînés, les jeunes ne le voient pas du tout comme ça", explique-t-elle sur RMC.

"Un puissant sentiment de relégation identitaire"

Parmi ces jeunes, il y a aussi beaucoup de chômeurs, une catégorie très présente dans l’électorat frontiste. Jean-Yves Camus, politologue, explique sur BFMTV qu'il y a "un sentiment de relégation identitaire extrêmement puissant dans cette frange de la jeunesse qui habite les petites villes et les villes moyennes et qui fait face à une situation économique qui n'est plus celle des trente glorieuses. Il y a une perte de statut tout à fait tangible chez les jeunes. Et puis il y a cette idée très répandue selon laquelle le travailleur français n'a droit à rien, alors que les réfugiés et les immigrés ont droit à toute une série d'aides à partir du moment où ils mettent le pied sur le sol français". C'est en tout cas peut-être la plus grande victoire de Marine Le Pen et ses lieutenants: avoir réussi à rendre le Front National attractif chez les jeunes.

Philippe Gril avecLionel Dian