Recours des Écologistes devant le Conseil d'État sur l'incompatibilité des fonctions de ministre et de député

Gabriel Attal à l'Assemblée nationale, le 3 avril 2024 - Bertrand GUAY © 2019 AFP
Les Écologistes ont, ce jeudi 25 juil 2024, déposé au Conseil d'État une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) visant à prouver l'incompatibilité entre un mandat de député et des fonctions ministérielles. Et plus précisément que la loi organique qui organise "l'incompatibilité" entre un mandat de député et des fonctions ministérielles "contrevient à l'esprit de la Constitution".
Les Écologistes font ce recours une semaine après que 17 ministres démissionnaires du gouvernement Attal ont pu voter à l'Assemblée, en tant que députés de la nouvelle législature, pour élire la présidente de l'hémicycle, alors qu'ils continuent de gérer les affaires courantes et de prendre des décrets.
Tandis que La France insoumise (LFI) et le Parti socialiste (PS) ont déjà fait des recours sur le vote des ministres-députés auprès du Conseil constitutionnel, qui s'est déclaré incompétent, "on essaie de trouver une autre voie" pour qu'il tranche, a expliqué à l'AFP la députée écologiste Léa Balage, qui a déposé le recours. Si le Conseil d'État juge cette QPC recevable, il la transmettra au Conseil constitutionnel.
Une loi organique en question
Cette QPC s'appuie sur le recours en annulation d'une association contre un décret dénommé "Données opérationnelles de cyberdéfense", pris par le Premier ministre Gabriel Attal et le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin le 19 juillet, alors qu'ils sont en même temps députés, concernant le traitement automatisé de données à caractère personnel. Léa Balage rappelle que l'article 23 de la Constitution stipule que "les fonctions de membre du gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire".
Mais une loi organique (LO153) du 17 novembre 1958 précise les conditions de cette incompatibilité, expliquant qu'être ministre et député n'est pas incompatible si le gouvernement est démissionnaire dans le délai d'un mois après le début du cumul des deux fonctions. Pour Léa Balage, cette loi organique "méconnaît la Constitution".
"Le législateur organique a, d'une part, dénaturé le sens de l'article 23 de la Constitution en prévoyant que l'incompatibilité ne prenait pas effet en cas de gouvernement démissionnaire et, d'autre part, méconnu l'étendue de sa compétence en ce qu'il n'a pas institué de procédure permettant de sanctionner l'immixtion de l'exécutif dans l'exercice du mandat parlementaire", d'après elle.
"Cette loi organise les choses quand les députés deviennent ministres, mais pas quand les ministres deviennent députés", a expliqué la députée. Et "cela montre que la Ve République est fragile, et qu'elle n'a pas tout prévu. Il faut réparer les fragilités de la Ve République. Il y a un trou dans la raquette dans la séparation des pouvoir".
Une proposition de loi communiste au Sénat
Par ailleurs, le groupe communiste au Sénat a annoncé avoir déposé une proposition de loi constitutionnelle qui vise à limiter à 8 jours la durée d'un gouvernement démissionnaire et à empêcher le cumul des fonctions de ministre et de député. "Il apparaît nécessaire de préciser la Constitution pour échapper aux interprétations qui mettent en péril l'équilibre même de nos institutions", souligne le groupe.