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Serge Atlaoui va demander une grâce présidentielle: d'où vient ce pouvoir qu'a Emmanuel Macron?

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Serge Atlaoui avait été condamné à mort en Indonésie pour trafic de drogue. Il a été transféré en France, où sa peine a été commuée en trente années de réclusion. Son avocat va demander la grâce du président, qui est la plus grande marque de puissance.

Le vrai pouvoir, ce n'est pas de punir, c’est de pardonner. La grâce présidentielle, c’est un pouvoir réservé du chef de l’État. Ça lui donne le droit de dispenser un condamné de sa peine. Totalement ou partiellement. Mais attention, ça n’efface pas la condamnation en soi. Donc ça n’efface pas le casier judiciaire.

Le président passe au-dessus de la justice, et il n’a jamais à se justifier. Tous les présidents de la Vᵉ République l’ont utilisé. De Gaulle avait gracié Edmond Jouhaud, un général condamné à mort pour avoir essayé de prendre le pouvoir pendant la guerre d’Algérie. Georges Pompidou, lui, avait gracié Paul Touvier, un collabo qui avait déporté des juifs. Une décision là encore contestée. Pompidou s’était justifié en invoquant l’unité nationale.

Il s’agit de décisions symboliques. Jacques Chirac avait par exemple gracié Omar Raddad, un jardinier condamné pour le meurtre de sa patronne. Les preuves étaient insuffisantes. L’affaire avait fait beaucoup de bruit. En réalité, c’était surtout une façon d’apaiser les chose. Souvenez-vous aussi de François Hollande. Il avait gracié Jacqueline Sauvage, qui avait abattu son mari parce qu’il la frappait elle et ses enfants. Mais la justice l’avait quand même condamnée. Ça avait suscité beaucoup d’indignations. Là encore, un geste d’apaisement. En réalité, la grâce présidentielle, c’est quand ça touche à l’humanité et qu’il y a un sentiment d’injustice.

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Chevallier remonte le temps : La grâce présidentielle, une marque de puissance - 26/02
3:36

D’où vient cette grâce du chef de l’État?

C’est très ancien. En France, ça vient de la monarchie et ça date du Moyen Âge. Pour être de bons rois, nos rois devaient être justes, c’était la première de leur mission. Même si des magistrats rendaient la justice, ce pouvoir ne leur appartenait pas, c’est le roi qui leur prêtait. Donc, il pouvait le reprendre quand il voulait. Par exemple pour gracier quelqu’un.

Alors, ce n'était pas si simple non plus. Pour être gracié, il fallait écrire ce qu’on appelait une “lettre de rémission” au roi. On expliquait son problème, on s’excusait en disant que, promis, on ne le referait plus. Et en fonction, le roi décidait. Alors, ce n'était pas gratuit non plus, il fallait la payer cette lettre. Et l’argent revenait au roi. C’était un business. Une ordonnance avait même fixé les délits que vous pouviez vous faire pardonner. Ça allait loin puisque ça incluait les meurtres, les incendies volontaires et même les viols. Le roi avait les idées larges.

La grâce, c’est un outil de puissance, mais pas seulement. Le droit de grâce, ça permet d’entretenir un lien direct entre le chef de l’État et son peuple. C’est la preuve que lui et nous, on a une relation spéciale. Et c’est très bien qu’en République ça ait été maintenu. Car après tout, la personne qui a le plus de légitimité, la seule à qui on a vraiment confié un mandat avec notre vote, ce n'est pas la justice, ce n'est pas la police, c’est le président. Donc en échange, il doit nous protéger des abus.

Arthur Chevallier