Stéphane Séjourné devient le plus jeune ministre des Affaires étrangères de la Vᵉ République

Stéphane Séjourné - KENZO TRIBOUILLARD / AFP
Pressenti pour la tête de liste de la majorité aux élections européennes, il s'empare finalement de la diplomatie française: Stéphane Séjourné, un proche d'Emmanuel Macron, entre jeudi au gouvernement, supplantant la diplomate Catherine Colonna, jugée inaudible et pas assez politique.

Au moment où les tensions sont à leur maximum au Proche-Orient comme en Asie en passant par l'Europe et l'Afrique, le président confie ce poste régalien très exposé à un de ses anciens collaborateurs du temps de Bercy, patron du parti Renaissance et président du groupe au Parlement européen.
Gabriel Attal et Stéphane Séjourné étaient pacsés
Le nouveau Premier ministre Gabriel Attal connaît également très bien Stéphane Séjourné: les deux hommes furent un temps pacsés.
Homme de l'ombre, mais très influent, parlant plusieurs langues dont l'Espagnol pour avoir passé une partie de sa jeunesse en Argentine, cet éphémère adhérent du Parti socialiste, devient à 38 ans le plus jeune ministre des Affaires étrangères de la Vᵉ République.
Conseiller politique d’Emmanuel Macron avant même son élection en 2017, le député européen conservera la tête du parti présidentiel Renaissance, selon une source au sein du parti, à six mois des élections européennes pour lesquelles l'extrême droite domine largement les sondages.
Sa discrétion ne l'avait pas empêché de briguer le Quai d'Orsay dès le remaniement de juillet, selon une source gouvernementale.
Le nouveau chef de la diplomatie française, loué au sein de la majorité pour son "grand sens politique" et ses "grandes capacités d'adaptation", devra ainsi être sur tous les fronts, à commencer par l'Ukraine où la guerre fait rage depuis deux ans et où Colonna devait se rendre ce week-end et rencontrer le président Zelensky.
Le cap ne devrait pas changer avec un soutien indéfectible à Kiev pour mettre en échec la Russie, malgré un enlisement sur le terrain.
Stéphane Séjourné devra aussi poursuivre les efforts de sa prédécesseure au Proche-Orient pour empêcher une extension du conflit entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas en particulier au Liban, où le Hezbollah bénéficie de l'appui de l'Iran.
Après un soutien appuyé à Israël victime, le 7 octobre, de massacres perpétrés par le Hamas, la France a durci le ton réclamant avec insistance de cesser les bombardements sur Gaza qui tuent de "trop nombreux" civils palestiniens et alors que trois Français sont toujours portés disparus, probablement otages du Hamas à Gaza.
Colonna, victime du "domaine réservé"
La diplomatie française a parallèlement les yeux rivés sur l'Iran et son programme nucléaire. Les Occidentaux redoutent que Téhéran ne parvienne à se doter de l'arme nucléaire.
Même si la France s'en défend, le travail de négociations avec l'Iran est d'autant plus difficile que Paris oeuvre, en coulisses, pour faire libérer quatre Français considérés comme des "otages d'État".
Séjourné devra aussi s'atteler à dérouler une nouvelle diplomatie française en Afrique, après le départ forcé des troupes françaises du Sahel où elles luttaient contre l'islamisme radical.
Le nouveau chef de la diplomatie aura fort à faire cette année où environ les deux tiers de la planète se rendront aux urnes pour des scrutins stratégiques à commencer par les élections présidentielles cette semaine à Taïwan avant celles de la Russie et surtout les élections américaines en novembre dont l'issue aura nécessairement un impact sur l'Ukraine et Gaza.
Stéphane Séjourné remplace Catherine Colonna, qui était sans cesse sous le feu des critiques. Elle "ne pèse rien politiquement. Ses déplacements n'ont aucun effet, ses prises de parole sont inaudibles, son pouvoir sur les nominations est limité", avait ainsi vertement déclaré un haut fonctionnaire du quai d'Orsay au Canard enchaîné début janvier.
Les défenseurs de Catherine Colonna ont, eux, toujours mis en avant la situation "schizophrénique" d'un président Macron omniprésent qui ne veut pas d'une ministre susceptible de lui faire de l'ombre tout en s'agaçant de son manque de visibilité et son incapacité à "imprimer" auprès des Français.
"De ce point de vue-là, Colonna fait le job en s'employant vraiment à ne pas prendre la lumière", déclarait à l'AFP en début de semaine un diplomate ayant requis l'anonymat.
"Le problème, c'est que c'est la quadrature du cercle: comment briller sans faire d'ombre sur ce domaine très réservé ?" du président, interrogeait-il.
Les détracteurs de l'ex-cheffe de la diplomatie notaient volontiers que son prédécesseur, Jean-Yves le Drian, avait su, lui, exister auprès du chef de l'État et "imprimer" auprès des Français.