Réforme de l'orthographe: "Ça n'aide pas les gosses pour les dictées", se marre Bernard Fripiat
Il est amusant de constater qu'on n'a jamais autant parlé de notre écrit. Tout ça à cause de l'annonce ce jeudi de la généralisation, à la prochaine rentrée scolaire de septembre, de la réforme de l'orthographe actée par l'Académie française il y a... 26 ans. C'est bien simple, elle déchaîne (déchaine ?) les passions, notamment sur les réseaux sociaux, où l'on s'amuse depuis à massacrer l'orthographe (ce n'est pas franchement une nouveauté mais disons que cette fois c'est fait sciemment).
Alors qui de mieux que quelqu'un qui n'est pas avare de bons mots pour nous parler de cette réforme ? Bernard Fripiat, coach en orthographe, créateur du site orthogaffe.com et auteur du livre L'orthographe, 99 trucs pour en rire et la retenir (éd. Gunten), est venu à dessein (dessin ? Non, là pas de doute) distiller ses jeux de mots ce vendredi chez Jean-Jacques Bourdin.
"Je ne vois pas en quoi ça simplifie"
Et s'il en rigole, il n'en est pas tendre pour autant vis-à-vis de ceux qui ont eu cette idée. "Ils ont été en pleine forme", s'amuse-t-il. "On parle de simplification, mais je ne vois pas en quoi ça simplifie. On va devoir par exemple expliquer aux gosses que 'croître' prend un chapeau, mais pas accroitre. En quoi ça simplifie ! (…) Ça n'aide pas les gosses pour les dictées".
"On enlève le chapeau de maîtresse, mais on garde celui de Nîmes, note-t-il également. De toute façon, Jean-Jacques Bourdin, Nîmois de cœur, n'aurait pas laissé passer un tel affront.
En tout, 2.400 mots vont être modifiés. "Ça ne favorise pas la paresse, se marre le coach. Le môme, s'il oublie un chapeau à 'je suis sûr de moi', il fait une faute, mais à 'sûreté' il n'est pas obligé de le mettre. Il faudra mémoriser là où les chapeaux sont obligatoires et là où ils sont facultatifs". De quoi se les arracher, les tifs.
"Il faudra avoir le même logiciel que le patron"
Pour Bernard Fripiat, c'est simple, "ils ont tout compliqué". "On a demandé de simplifier l'orthographe à des grammairiens, c'est comme quand on demande à des énarques de simplifier l'administration, ils ne sont pas programmés pour ça. Il fallait demander à quelqu'un d'autre". "En fait la réforme, ça va mettre le bazar dans les correcteurs d'orthographes, ponte-t-il. Les informaticiens vont gagner pleins de pognon avec cette histoire. Selon le logiciel que vous avez, il vous soulignera telle faute, mais laissera passer telle autre. En fait, il faudra avoir le même logiciel que le patron".
Parmi les autres nombreux changements engendrés, on peut citer le 'ph' de nénuphar, qu'on pourra désormais écrire nénufar. Pas une idée lumineuse pour Bernard Fripiat. "En 1694, l'Académie a mis 'ph'. Puis ce fut 'f' en 1718, et le 'f' va tenir le coup pendant 200 ans. En 1935, on ne sait pas pourquoi, l'Académie a remis 'ph', et aujourd'hui on revient au 'f'. On change tous les 70 ans ! Nénuphar, c'est un intermittent de l'orthographe. Mais comme personne ne l'écrit, ça ne gêne pas", se marre-t-il. Après tout, on a qu'à dire nymphéa, ça fera plaisir à Claude Monet en plus.