"C'est une prison": maraîchère bio, elle perd tout à cause de la persistance des pesticides

Une maraîchère victime de la rémanence des pesticides. Ce n’est pas le titre d’un film catastrophe ou du prochain roman d’Amélie Nothomb. Non, c’est un drame qui se joue dans nos campagnes, qui nous concerne tous. Et c’est grâce à Delphine que "RMC s'engage avec vous" a enquêté.
La rémanence, c’est le pouvoir d’un pesticide de rester actif très longtemps, trop longtemps, dans les sols. Un exemple: l’Aldrine et le Dieldrine. Ces molécules, toxiques pour le foie et le système nerveux central, sont interdites en agriculture depuis 1972. Et pourtant, 50 ans plus tard, elles polluent les légumes de Delphine, une maraichère bio qui n’a jamais utilisé de pesticides dans ses champs.
Delphine veut ainsi alerter le monde agricole. Il y a deux ans, à la suite d'un contrôle aléatoire, elle découvre que ses sols sont contaminés à l’Aldrine et au Dieldrine. Elle doit détruire une partie de sa production et tester systématiquement, à ses frais, ses 110 variétés de fruits et légumes, si elle veut continuer son activité.
"Si je faisais le choix de continuer à produire, ça voulait dire qu'il fallait que je continue à faire tout le travail en amont de la récolte sans aucune garantie de résultats. C'est extrêmement difficile de pouvoir tenir dans ces conditions".
"Professionnellement, je ne peux pas sortir de ça"
Delphine n’a pas le choix, elle abandonne sa ferme. Et aujourd’hui, elle n’arrive pas à la vendre.
"J'ai le sentiment, professionnellement, d'être coincée dans une prison de 7.8 hectares. C'est une belle prison, mais professionnellement, je ne peux pas sortir de ça. Il y a des emprunts sur la ferme qu'il faut continuer de payer... Cela pénalise l'ensemble de la famille car je n'ai pas de revenus et les assurances ne couvrent pas ce risque-là", explique-t-elle.
Ni les assurances, ni l’État. Comme si personne n’était responsable des conséquences dramatiques de pratiques agricoles d’il y a 50 ans.
L'obligation de dépistage des sols votée en décembre
Selon nos informations, ils seraient des dizaines de paysans victimes de ces pesticides interdits, en Gironde, dans le Finistère, le Morbihan... L’un d’eux nous a expliqué que cet insecticide remonte notamment pendant les périodes de grande sécheresse, car les plantes doivent puiser l’eau plus profondément dans la terre.
Selon nos confrères de Basta, un chargé de mission du ministère de l’Agriculture établit actuellement une cartographie des pollutions à travers la France.
La Fédération nationale d’agriculture biologique est au courant de ce fléau. Elle milite pour une indemnisation des exploitants et des tests systématiques des sols par l’Etat, avant toute installation agricole. Et elle est en passe d’être en partie entendue. C’est une information RMC: l’obligation de dépistage des sols devrait être votée lors du prochain pacte d’orientation agricole (PLOAA), au mois de décembre.
Pour Delphine, notre maraîchère bio, malheureusement, aucun dispositif d’aide ou d’accompagnement n’est prévu à ce jour. Delphine a donc attaqué l’Etat (la DDPP et la SAFER) en justice, notamment pour vice caché. Une première décision est attendue jeudi 21 septembre.
Pour contacter l'équipe de "RMC s'engage avec vous": rmcavecvous@rmc.fr