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Fukushima: ce qu'il faut savoir de la polémique liée au rejet des eaux de la centrale dans la mer

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Le Japon commence à procéder, ce jeudi, au rejet des eaux contaminées de la centrale nucléaire de Fukushima dans la mer du Japon. Les eaux, traitées, ne sont pas dangereuses, affirme une grande partie de communauté scientifique. Mais l'inquiétude règne au Japon et chez ses voisins.

Des centaines de milliers de tonnes d’eau issues du refroidissement des réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima, endommagés par le séisme et le tsunami du 11 mars 2011, vont être déversées en Mer du Japon, et, par voie de conséquence, dans l’Océan Pacifique. Une décision que le Premier ministre japonais, Fumio Kishida, décrit comme "essentielle au futur démantèlement de la centrale".

Le Japon prépare depuis plus de trois ans cette opération qui ne va pas s’effectuer en un jour, mais sur une durée de 30 à 40 ans. Aujourd'hui, il n'y a tout simplement plus de place pour stocker cette eau hautement radioactive, ce qui est la raison officielle de cette opération. En effet, 1,3 million de mètre cubes d’eau au total sont actuellement stockés dans plus de 1.000 citernes de 1000 m3 chacune. Or, les Japonais continuent à pomper chaque jour 140m3 d’eau radioactive. Il faut donc libérer de la place.

Laurent Neumann : Pacifique, des eaux contaminés de Fukushima rejetées - 24/08
Laurent Neumann : Pacifique, des eaux contaminés de Fukushima rejetées - 24/08
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Faut-il s’inquiéter de cette opération ?

Le projet a reçu l’accord de l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique) le 6 juillet dernier. Après deux ans d’enquête, cinq missions de terrain et pas moins de six rapports techniques, l’agence a considéré, je cite, que "l’impact radiologique de cette opération était négligeable sur la population et sur l’environnement marin".

Cette eau radioactive va être filtrée, purifiée et débarrassée de tous les nucléides qu’elle contient. Tous, sauf un : le tritium, qui est un isotope radioactif de l’hydrogène. C’est ce composant qui inquiète. Pour répondre à l'inquiétude, chaque litre d’eau contaminée va être dilué dans 740 litres d’eau propre pour atteindre un taux de becquerels/litre de 190, c’est-à-dire sept fois inférieur aux normes fixées par l’OMS pour l’eau potable (10.000 Bq/l). L’eau ainsi retraitée sera rejetée à un kilomètre des côtes. Les scientifiques estiment qu'il n'y a - a priori - pas de danger.

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Mais cela ne convainc pas tout le monde. D’abord, les pêcheurs craignent une contamination des produits de la mer. Les Japonais eux-mêmes sont partagés et craignent que cette opération ravive les peurs. Finalement, ce sont les pays voisins du Japon qui ne décolèrent pas, à commencer par la Chine qui conteste les analyses de l’AIEA et demande en vain à Tokyo de renoncer.

Hong-Kong a déjà annoncé des mesures de restrictions des importations provenant de la région de Fukushima. Ce qui n’est pas anodin puisque la moitié des exportations de produits alimentaires japonais se font vers la Chine et à Hong-Kong. Quant à la Corée du Sud, le Président Yoon ne s’est pas opposé à ce rejet des eaux, mais 80% de Coréens sont contre, d’où des manifestations cet été à Séoul appelant à protéger les océans.

Chaque année, la France rejette dix fois plus que ce que va faire le Japon

Pourtant, la norme japonaise de rejet de tritium est de l’ordre de 22 terrabecquerels par an, alors que, par comparaison, la centrale chinoise de Yangjiang rejette 112 terrabecquerels (six fois plus) et celle de Kori en Corée du Sud près de 49 terrabecquerels (quatre fois plus).

"Les quantités sont extrêmement faibles, il y a un certain nombre d'études scientifiques qui ont montré que ce niveau-là de tritium n'avait pas d'effet sur les écosystèmes et la santé humaine. Ce qui va être rejeté, c'est du même ordre de grandeur que ce qu'une centrale nucléaire va rejeter pendant une année en France", explique Jean Christophe Gariel, directeur adjoint à l'IRSN, l'institut de sureté nucléaire.

En effet, le site de retraitement français de La Hague (Manche) rejette, 10.000 terrabecquerels par an, soit, chaque année, dix fois plus de tritium que tout ce que le Japon va déverser en 30 ou 40 ans. Le gouvernement japonais a par ailleurs promis des tests quotidiens du niveau de radiation et a débloqué l’équivalent de 500 millions d’euros pour soutenir le secteur de la pêche au cas où les mesures commerciales de rétorsion seraient économiquement insoutenables.

Cela dit, une centaine de scientifiques américains demandent, depuis décembre, des études complémentaires. Ils n’ont pas obtenu gain de cause et le rejet des eaux de Fukushima en mer du Japon commencera bien aujourd’hui.

Laurent Neumann avec MC et MM