Glyphosate: pourquoi l'abstention de la France a permis la prolongation de son autorisation

La commission européenne autorise les agriculteurs à continuer à utiliser le glyphosate. Le plus connu des herbicides est pourtant soupçonné d'être cancérogène. C’est un désherbant très puissant inventé par un chimiste suisse en 1950, longtemps commercialisé par l’entreprise américaine Monsanto sous la marque Roundup. Puis, il y a cinq ans, Monsanto a été racheté par les Allemands de Bayer qui le fabriquent en Chine et le vendent dans le monde entier.
Les Européens ont renouvelé l’autorisation du glyphosate pour dix ans, ce jeudi. Une décision prise par défaut: la commission européenne s'était prononcée pour l’autorisation mais l’arbitrage final revenait aux Etats membres. Et les 27 n’ont pas réussi à se mettre d’accord, si bien que la décision d’autorisation s’est imposée.
Et pourquoi les 27 ne se sont pas mis d’accord? Parce que trois grands pays se sont abstenus, ce qui n’a pas permis d'obtenir une majorité. Ces trois pays sont l'Allemagne, l’Italie et la France. Pour dire les choses beaucoup plus simplement, en s’abstenant ce jeudi, la France a en réalité voté en faveur de l’utilisation de l’herbicide controversé…
Emmanuel Macron avait pourtant promis son interdiction. Pendant sa première campagne en 2017, il s'était engagé à faire interdire le glyphosate avant 2021. Et dès 2019, la vente aux particuliers a été interdite. Mais les syndicats d’agriculteurs ont ensuite réussi à le faire changer d’avis en expliquant qu’il n’y avait pas d'autre façon de désherber efficacement.
Les ventes en baisse de 27% en France
La position de la France, c’est donc d’autoriser ce produit lorsqu’il n’y a pas d’alternative. Une politique qui consiste à réduire l’utilisation du produit et pas à l’interdire. Et cela commence à produire des effets puisque les ventes en France ont baissé de 27%.
Pour les écologistes, ce n’est pas suffisant. Ils demandent depuis longtemps l’interdiction totale du glyphosate en s'appuyant sur l’avis de l’OMS. En 2015, cet organisme avait classé le glyphosate parmi les produits cancérogènes "probables".
Mais en juillet dernier, un organisme européen a émis un avis inverse. L’autorité européenne de sécurité des aliments a indiqué ne pas avoir identifié de préoccupations critiques pour les humains, pour les animaux ou pour l'environnement. C’est cet avis européen qui a fait pencher la balance et qui a fait que ce jeudi, seuls trois pays sur 27 ans ont voté contre l’autorisation.
Aux Etats-Unis, les autorités sanitaires ont également estimé que le glyphosate n'était pas cancérogène. Mais la justice et les jurys populaires en décident souvent autrement. Bayer, le fabricant, croule sous les procès. 160.000 procédures ont été intentées par des personnes s’estimant victimes du Roundup, souvent des agriculteurs souffrant de cancers. Récemment, un tribunal de San Diego, en Californie, a condamné Bayer à payer des dommages et intérêts à un homme de 57 ans souffrant d’un lymphome. Des dommages et intérêts qui s'élèvent à 332 millions de dollars.
Et il y a encore 40.000 plaintes qui n’ont pas été jugées. De quoi couler l’entreprise. Le cours de l’action de Bayer a été divisé par deux et son PDG remercié. Mais en attendant, le glyphosate reste autorisé aux Etats-Unis, comme en Europe et dans la plupart des pays du monde.