"Plus ça va, plus on dérange": bientôt une loi pour protéger les agriculteurs des plaintes des néo-ruraux?

Sera-t-il encore possible demain d'attaquer son voisin éleveur parce que ses vaches meuglent trop fort? Une nouvelle loi va être étudiée ce lundi à l'Assemblée nationale. Elle pourrait permettre de protéger les agriculteurs face aux néo-ruraux qui n'acceptent pas le bruit des tracteurs ou les odeurs des troupeaux et parfois saisissent la justice.
480 procédures opposent actuellement des agriculteurs et des néo-ruraux, comme l'explique sur RMC Me Timothée Dufour, avocat défenseur du monde agricole.
"Il y a une multiplication des litiges en milieu rural", constate-t-il. "Dans ce contexte, il y a une nécessité de rappeler les règles du jeu".
C'est la députée LREM Nicole Le Peih qui porte cette proposition de loi étudiée ce lundi à l'Assemblée. Elle vise "à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels" en matière de "troubles anormaux de voisinage".
"Il s'agit de protéger les activités préexistantes à l'arrivée de plaignants", précise Me Dufour.
Eric Dupond-Moretti a soutenu ce week-end en Bretagne une loi qui irait en ce sens. "Ceux qui viennent s'installer dans la ruralité" (...) "ne peuvent pas exiger que les paysans, qui sont des travailleurs, qui nous nourrissent, changent de mode de vie". En mars dernier, au Salon de l'agriculture, sur le stand du syndicat agricole majoritaire (la FNSEA), le ministre de la Justice avait annoncé vouloir donner "un coup de main" aux agriculteurs contre les plaintes des néo-ruraux.
La question sensible de l’épandage de pesticides
Autre point de tension, plus grave que le simple conflit de voisinage, la question de l'utilisation des pesticides près des habitations. Par exemple, à Vétheuil (Val-d'Oise), des tensions durent depuis près de cinq ans entre un agriculteur et un de ses voisins, inquiet de ses épandages depuis un soir de printemps.
Alors que Benoît épandait du fongicide pour protéger son blé, ce voisin s'est interrogé pendant qu'il dînait en extérieur: "Il voulait savoir ce que j’épandais dans mes champs. Je ne voulais pas lui donner le nom du produit, que je ne suis pas obligé de donner. On est suivis et tout ce qu’on épand, on a le droit", se défend-il.
Question de principe pour l'agriculteur, qui a hérité de la ferme familiale: il refuse de rendre des comptes. "Plus ça va, plus on dérange. Mais c'est peut-être à nous aussi plus de communiquer. Et aux gens de comprendre notre boulot! Ça fait 40 qu’on utilise des produits phyto et on n’a jamais eu de problèmes", explique-t-il.
Les "bonjour" restent polis mais froids avec Lucien, installé depuis dix ans dans la maison de ses parents, cernée de champs verts et jaunes. "Je me suis demandé pourquoi on me cachait les choses et ce que respiraient mes enfants. Et est-ce que c’est dangereux pour la santé? Vu ce qu’on sait sur les pesticides..." Il estime que la "tradition" ne doit pas empêcher la réflexion sur l'utilisation de ces produits.
"Ce n'est pas parce qu’on est là depuis longtemps qu’on peut tout se permettre! Il y a des pratiques qui doivent évoluer parce qu'il y a des connaissances qu’on n’avait pas avant", justifie Lucien, qui souhaiterait simplement être prévenu avant les épandages.
A voir si la loi en discussion à l'Assemblée évoquera des nuances en fonction de la gravité des conflits opposant agriculteurs et ruraux.