Affaire Pernod Ricard-PSG: "Paris n’a pas tous les droits", l’avis tranché d’Arthur Chevallier

Les Marseillais appellent au boycott de Pernod Ricard à la suite d’un partenariat que la marque vient de signer avec le PSG. Et c’est une réaction légitime. Pour nous, en France, la capitale a toujours raison. Mais Paris n’a pas tous les droits. Ricard, c’est une marque emblématique, un étendard de Marseille. Et la voir associée au club ennemi, c’est ressenti comme le vol d’une partie de l’identité marseillaise, une atteinte à sa fierté. C’est même un acte de piraterie. Ça peut paraître anecdotique, mais cette affaire révèle une fracture toujours très forte entre Paris et les provinces.
Ça dépasse largement la question sportive, et de très loin. Le foot est un des derniers champs de bataille de l’affrontement entre les régions. Et les régions, ce ne sont pas seulement des morceaux de la France ou des traits sur une carte, ce sont des petits pays en soi. Ils ont tous une identité particulière que les habitants ont peur de voir disparaître. C’est une question de symbole, c’est vrai, mais ça compte. Et ça renvoie aussi à des choses très concrètes. Quand on vous retire une partie de votre histoire, on vous retire aussi une partie de vous-même, une chose à laquelle vous êtes attaché. Un pays, ce n’est pas seulement une administration, c’est aussi des individus qui réagissent avec leurs émotions.
Paris, Marseille, c’est le même pays, mais c’est un pays obsédé par sa capitale. Depuis le XVIIIe siècle, l’Etat s’est organisé à partir d’un principe: la centralisation. Paris est devenu le cœur de tout: du pouvoir, des spectacles, et même du bon goût. C’est ce qu’on appelle le jacobinisme. Vous n’étiez pas vraiment français tant que vous n’étiez pas à Paris. D’ailleurs, dans tous les romans du XIXe siècle, l’histoire est souvent la même: de braves petits gars de province qui montent à Paris pour s’acheter des costumes, séduire les femmes et faire fortune.
Comme si on ne pouvait pas faire tout ça ailleurs. Bref, la capitale est devenue une norme à laquelle tout devait se conformer. Et pour être honnête, ça n’a pas beaucoup changé.
Le style parisien imposé à tout le pays
Paris a donc imposé son style à toute la France. Elle a même imposé sa langue. Pour faire son unité, la France a combattu les langues régionales pour imposer le français. C’est ce qui explique qu’aujourd’hui des régions comme la Bretagne font de la survie de leur patois une question de principe. Et au fond, ça n’a rien de choquant. Par exemple, à Nice, avant un match de foot, le stade chante l’hymne de la ville en niçois, même si personne ne parle cette langue dans la vie de tous les jours. C’est un rituel qui permet à une communauté de se rappeler d’où elle vient, de se distinguer, en un mot d’être exceptionnelle. Et être exceptionnel, c’est un motif de fierté pour tout le monde.
Cette polémique, c’est une dispute bien française. A l’étranger, mettons en Espagne ou en Italie, les identités régionales font partie de la culture. Tout ne se résume pas à Madrid ou à Rome. C’est un modèle différent de celui de la France, qui a fait de son unité une condition de sa puissance. Et c’est justement parce que ça a bien fonctionné que des villes comme Marseille tiennent à leur tradition et à leur singularité. C’est une marque de résistance. Le foot est devenu un des derniers remparts à la superpuissance de la capitale. Une preuve que la France n’est pas seulement une patrie mais aussi, comme l’écrivait Paul Verlaine, des patries.