Annonces de Gabriel Attal sur le logement: pourquoi la Fondation Abbé Pierre est inquiète

La Fondation Abbé Pierre (FAP) a dévoilé mercredi son rapport annuel, alors que ce jeudi 1er février marque les 70 ans de l'appel de l'Abbé Pierre, lors de l'hiver 1954. Avec 330.000 personnes sans domicile - un chiffre qui a doublé en dix ans - 4,2 millions de personnes mal logées et 8.300 personnes refusées en hébergement d'urgence faute de places en 2023, la FAP affirme que la "bombe sociale" du logement a explosé.
Sur RMC, Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, s'est inquiété du tournant pris par le gouvernerment de Gabriel Attal, alors que celui-ci a annoncé mardi dans son discours de politique générale un "choc d'offres" pour ce secteur. Surtout, le nouveau locataire de Matignon a annoncé que les logements intermédiaires seront inclus dans l'obligation des communes à posséder un quart de logements sociaux, relative à la loi SRU.
Le logement intermédiaire favorise les classes moyennes supérieures
"Il y a 2,6 millions de ménages qui attendent un logement social. Au lieu de relancer la production de logements sociaux qui est en chute libre, à cause des mesures de rigueur budgétaire de ce gouvernement", Gabriel Attal "annonce qu'on va favoriser le logement intermediaire qui n'est pas du logement social".
Si Gabriel Attal a justifié cette mesure avec l'ambition de "soutenir les classes moyennes", Manuel Domergue argue que celles-ni n'en profiteront pas. Selon lui, le logement intermédiaire favorise les classes moyennes supérieures. "Le plafond de ressources, à Lille ou Lyon, pour un logement intermerdiaire, pour un couple de deux enfants, c'est 7500 € par mois". "Le logement intermédiaire répond à une catégorie qui a des besoins moins urgents", estime-t-il.
Le logement intermédiaire n'a jamais été du logement social. Les loyers peuvent atteindre jusqu'à 1.500 voir 2.000 €. L'instituteur ou les infirmiers n'y ont pas accès", explique Manuel Domergue
Risque de "favoritisme municipal" par les maires
Manuel Domergue affirme que "les vraies classes moyennes, les professeurs, les infirmiers" ont normalement accès au logement social. "Mais il en faudrait plus pour qu'elles y aient davantage accès".
Concernant le changement d'attribution des logements sociaux, Gabriel Attal a annoncé que les maires seront ceux qui décideront lors d'une première demande. Une mauvaise décision pour Manuel Domergue, qui y voit le risque d'un "favoritisme municipal" et l'augmentation possible du clientélisme.
"Ca nous inquiète. Les attributions de logements sociaux sont partagés entre l'Etat, les maires, les intercommunalités et action logement". Avec des maires qui auront davantage de pouvoir de décision, alors que ceux-ci "ont moins d'attributions sociale" Manuel Domergue craint que les ménages prioritaires soient lésés. "Les maires privilegient leur administrés. On va reloger les personnes qu'on connait bien : électeurs, amis, voisins...", estime-t-il.
"Les communes riches resteront entre riches et les communes pauvres entre pauvre", alerte Manuel Domergue
82 000 logements sociaux construits en 2023, 124 000 en 2017
"Les personnes qui sont stigmatisées, d'origine étrangères, au chômage, seront sans doute les perdantes des attribution des logements sociaux par les maires. Les ménages prioritaires au titre du Droit au logement opposable (Dalo) - les personnes à la rue, en hébergement d'urgence - devront sans doute attendre plus longtemps", conclut Manuel Domergue.
La production de logements est en chute libre, avec moins de 300.000 logements commencés en 2023. Celle de logements sociaux sociaux était de 82.000 logements sociaux en 2023, contre 124.000 en 2017, selon les chiffres avancés par la Fondation Abbé Pierre.
La Fondation Abbé Pierre veut généraliser l'encadrmeent des loyers
Au total 2,6 millions de ménages attendent un logement social, mais les personnes vivant avec moins de 500 euros par mois ont paradoxalement vu leur taux de succès diminuer de 22% à 12% entre 2017 et 2022, pointe la Fondation dans son rapport. Elle propose d'ériger en priorité nationale la lutte contre le sans-abrisme, relancer le financement du logement social, généraliser l'encadrement des loyers, revaloriser les aides personnalisées au logement (APL).