"C'était mieux avant... Une nostalgie qui n'est pas nouvelle": l'avis tranché d'Arthur Chevallier

Les Français sont nostalgiques. Pour nous, l’avenir se conjugue toujours au passé. On est convaincus que, pour améliorer les choses, il ne faut pas inventer ou innover, mais rétropédaler. Retrouver un âge d’or, une époque idéale, revenir à un moment où tout allait bien. Avant, c’était forcément mieux. De mémoire d’historien, toutes les révolutions ont promis la même chose: un retour vers le passé.
Pourtant, à chaque nouvelle élection, on nous propose des réformes, du changement, de la nouveauté. C'est en effet l’avenir, mais c’est toujours au nom de la nostalgie. Le but, c’est de renouer avec une tradition. D’ailleurs, la première chose que font les présidents quand ils sont élus, ce n'est pas se tourner vers l’avenir, mais vers le passé.
Souvenez-vous de l’élection de François Mitterrand en 1981. Par quoi a-t-il commencé? Par aller dans un cimetière. Oui, il va au Panthéon pour déposer une rose sur la tombe de Jean Jaurès. Une légende socialiste, certes, mais qui était quand même mort en 1914. Comme promesse d’avenir, il y a mieux. Quand il a été élu en 1995, Chirac a fait la même chose. Sa première sortie, c’était la tombe du général de Gaulle à Colombey-Les-Deux-Eglises où il s’est recueilli.
Nicolas Sarkozy, en 2007, n’a pas innové. Lui aussi, à peine élu, il s’est précipité sur le passé. Le jour de son investiture, il s’est rendu dans le bois de Boulogne où 35 résistants avaient été fusillés en 1944.
Une invention de l'Antiquité
Mais cette obsession du passé n’a pas commencé sous la Vᵉ République. C’est une invention de l’Antiquité. À l’époque, Rome est en crise et les Romains sont, comme nous aujourd’hui, convaincus de vivre une époque de décadence. Tout le monde est certain que Rome, c’est foutu. C’est alors qu’arrive Auguste, le successeur de Jules César. Il imagine une nouvelle méthode de gouvernement: réformer, oui, mais au nom de la tradition.
Depuis, tout le monde fait la même chose. Au Moyen Âge, les rois de France se faisaient représenter dans des scènes bibliques. Et à l’époque, la Bible, c’est l’origine de l’humanité. À la Renaissance, on redécouvre l’Antiquité. Donc là, changement de décor, mais même méthode. Maintenant, les rois se font représenter en empereur romain.
La Révolution française elle-même n’échappe pas au “c’était mieux avant”. Contrairement à ce qu’on dit, les révolutionnaires ne promettaient pas un nouveau monde, mais un retour à un ancien monde. Ils étaient obsédés par la Grèce antique et convaincus qu’il fallait renouer avec la tradition de la démocratie athénienne. C’est-à-dire, pour eux, l’âge d’or de l’humanité.
Le passé rassure
Aujourd’hui, personne ne parle de la démocratie athénienne, mais rien n’a changé. Prenez l’écologie, c’est le sujet d’avenir par excellence. Pourtant, elle aussi s’inspire sans s’en rendre compte du “c’était mieux avant”. Il faut moins consommer, moins produire. Bref, c’est ce qu’on appelle la décroissance. Et la décroissance a aussi sa part de nostalgie.
Elle renvoie à une époque un peu idéalisée où on était plus respectueux de la nature et à laquelle il faudrait revenir. On se serait laissé emporter dans les excès d’un capitalisme fou. L’humanité avance, progresse sans cesse, mais toujours en marche arrière. Le passé nous rassure parce que, contrairement à l’avenir, on sait à quoi il ressemble.