"Derrière nous, il y a la rue… et les cimetières": les associations se mobilisent ce samedi pour plus de moyens

"Ce sont les moyens qu’il faut augmenter, et surtout une considération plus importante pour la place de la solidarité en France. Les associations sont le dernier filet de sécurité. Derrière nous, il y a la rue… et les cimetières." C'est l'avertissement lancé par Lotfi Ouanezar, directeur général d’Emmaüs Solidarité, au micro de RMC. Et ce alors que les structures d’accueil et d’entraide voient leurs moyens baisser inexorablement tandis que la demande explose.
Ce samedi, plus de 70 rassemblements sont organisés partout en France à l’appel du Mouvement associatif, qui fédère 700 000 structures. À Paris, la mobilisation se tient place Stalingrad. Le mot d’ordre : alerter sur la fragilité d’un tissu associatif que ses acteurs jugent vital, mais menacé.
"L'instabilité poltiique entraîne une instabilité économique"
"Je ne peux pas dire que la nomination de Lecornu me rassure", confie ce samedi sur RMC Claire Thoury, porte-parole du Mouvement associatif. "Elle me laisse dans une forme d’inquiétude — comme beaucoup de Français — notamment par rapport à la situation du monde associatif. Les associations ne vont pas bien. L’instabilité politique entraîne une instabilité économique, et cela rend très difficile la projection, la construction de projets, l’action dans la durée."
Pour elle, cette journée est un appel à la responsabilité : "On a plus que jamais besoin d’un tissu associatif fort. La démocratie, elle s’exerce partout, dans les territoires, au quotidien. C’est ce qu’on fait quand on s’engage dans une association : on donne de son temps, on sert l’intérêt général, on construit des compromis."
"Vous ne déprimez pas, vous restez vivant"
Au centre d’accueil de jour Emmaüs Solidarité, en plein cœur de Paris, la réalité sociale se vit à hauteur d’homme. Chaque matin, Alain, sans-abri, pousse la porte du salon pour souffler un peu. "Je peux prendre une douche de temps en temps, boire un café, discuter… C’est que du positif. Vous ne déprimez pas, vous restez vivant."
Ici, des ordinateurs sont mis à disposition, des bénévoles accueillent, écoutent, accompagnent. Mais la situation devient critique. "On accueillait entre 150 et 200 personnes par jour. Aujourd’hui, on est à plus de 300", raconte Jean-Emmanuel Boyer, chef de service du centre. "Certains repartent dormir dehors le soir. Si on était plus nombreux pour répondre à cette demande, on pourrait mieux travailler." Les coûts explosent, les subventions stagnent. "On est face à une équation impossible", résume Lotfi Ouanezar.
"Faire des économies aujourd’hui sur le dos des associations, c’est créer des dépenses demain", alerte Claire Thoury
Pour Claire Thoury, la crise est systémique : "Un tiers des associations ont peu ou pas de trésorerie. Concrètement, cela veut dire qu’en cas d’instabilité politique ou budgétaire, elles ne peuvent pas engager de dépenses, ni même payer les salaires. 5 % n’ont plus rien à la date d’aujourd’hui. Et 90 000 emplois sont menacés dans le secteur."
Le Mouvement associatif tire la sonnette d’alarme : 2 millions d’emplois, soit 10 % de l’emploi privé, dépendent de la vitalité associative. "Derrière l’action associative, il y a 67 millions de bénéficiaires : tous les Français", rappelle Claire Thoury.
Celle-ci prévient : "Faire des économies aujourd’hui sur le dos des associations, c’est créer des dépenses demain. Pourquoi affaiblir un tissu associatif qui ne coûte déjà presque rien et qui fait tenir le pays avec trois bouts de ficelle ? Si on retire ce dernier bout, il ne restera plus rien."
Indexer les financements sur l’inflation
Pour tenter de sortir de l’impasse, la Fédération des acteurs de la solidarité propose d’indexer les financements publics sur l’inflation. Un moyen de stabiliser les budgets face à la hausse des coûts de l’énergie, des loyers et des salaires.
Mais, au-delà des chiffres, c’est une alerte politique que lancent les associations : sans elles, la solidarité du quotidien risque de s’effondrer. "Est-ce qu’on veut vraiment d’une France où les arbitrages budgétaires se font sur le dos des plus vulnérables ? Nous, on ne l’accepte pas", conclut Claire Thoury.