“Dès qu’on est prof, on n’a plus de vie privée”, témoigne Magalie, une enseignante qui a aussi pensé au suicide

Une institutrice de 42 ans a été retrouvée morte lundi matin à Anglards-de-Salers (Cantal), à proximité de son domicile. La piste du suicide est privilégiée, a indiqué le parquet d’Aurillac. Directrice d’une école à classe unique à Moussages, elle avait prévenu les secours avant son geste, mais les gendarmes n’ont pas pu intervenir à temps.
Depuis plusieurs mois, l’enseignante faisait face à un harcèlement lesbophobe: tags injurieux et lettre anonyme avec menaces de mort avaient marqué l’année scolaire 2023-2024. Elle avait été placée en arrêt de travail, puis avait repris brièvement ses fonctions avant un nouvel arrêt au printemps. Une enquête judiciaire avait été ouverte, mais classée en mars 2025 faute d’éléments nouveaux.
Ce décès, survenu le jour de la rentrée scolaire, suscite une vive émotion dans le Cantal et au-delà. Le rectorat de Clermont-Ferrand a rendu hommage à “une figure respectée” et le ministère de l’Éducation nationale a annoncé l’ouverture d’une enquête administrative, ainsi que la mise en place d’une cellule d’écoute pour la communauté éducative locale.
Les syndicats enseignants pointent néanmoins de graves manquements. La FSU-SNUipp dénonce “de longs mois de harcèlement lesbophobe” sans protection suffisante, tandis que l’Unsa appelle à sanctionner les auteurs des actes discriminatoires et à interroger la responsabilité de l’institution. De son côté, SOS Homophobie estime que “l’Éducation nationale a du sang sur les mains”.
"L’Éducation nationale ne protège pas toujours”
Le suicide de cette institutrice de 42 ans dans le Cantal a donc provoqué une onde de choc dans le monde éducatif. Magalie, enseignante spécialisée dans les Hautes-Pyrénées, dit avoir été profondément touchée par ce drame. Elle y voit le reflet d’un malaise plus large au sein de l’Éducation nationale.
“Je suis enseignante spécialisée, donc les discriminations, je connais bien. J’ai un élève handicapé qui est souvent harcelé et discriminé au collège”, confie-t-elle dans les Grandes Gueules ce mercredi. Pour elle, la vocation d’enseigner reste intacte: “Mon métier, c’est une passion et je l’aime beaucoup. Mais l’Éducation nationale ne protège pas toujours.”
Magalie évoque aussi la pression qui pèse sur les enseignants au-delà de leur établissement: “On n’est plus un personnage privé, on devient un personnage public dès qu’on est prof. On n'a plus vraiment de vie privée. J’habite à côté du collège: il faut toujours faire attention à son comportement en dehors, car on peut croiser ses élèves.”
"Je n’ai pas honte de dire que j’ai déjà pensé au suicide"
La quadragénaire regrette un système qui incite à “faire le moins de vagues possible”. Elle en parle avec un double regard, à la fois comme enseignante et comme mère: “Je le vois actuellement avec mon enfant autiste qui a besoin d’un accompagnement qu’il n’a pas.”
Si elle reconnaît avoir eu la chance de travailler sous la responsabilité de directrices “exceptionnelles et humaines”, elle souligne que beaucoup dépend des personnes sur lesquelles on tombe. "Moi-même, dans ma vie personnelle et professionnelle, j’ai traversé des situations difficiles", dit-elle.
Et d’ajouter: “Moi, je n’ai pas honte de dire que j’ai déjà pensé au suicide. J’ai pensé passer à l’acte, mais je me suis dit que j’avais deux gamins. Je ne peux pas me le permettre.” Pour Magalie, le drame du Cantal résonne comme un rappel brutal de la solitude et de la vulnérabilité qui frappent encore trop d’enseignants face au harcèlement et au manque de soutien institutionnel.
Si vous ou l’un de vos proches traversez une période de détresse, le numéro national de prévention du suicide, le 3114, est accessible 24h/24 et 7j/7, gratuit et confidentiel.