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"Anti-2010", "Brigade anti-2010": pourquoi les collégiens visent-ils les jeunes de 6e?

Simple bizutage ou harcèlement. Le ministre de l'Education nationale est monté au créneau pour appeler à cesser les insultes et moqueries aux néo-collègiens.

C'est un mot d'ordre qui monte depuis plusieurs semaines sur les réseaux sociaux et qui a cumulé 40 millions de vues. Depuis la rentrée, des menaces et insultes sont proférées sur les réseaux sociaux envers des élèves de sixième nés en 2010. 

Un nouveau phénomène apparu récemment, notamment, sur les réseaux sociaux TikTok et Twitter encourage les insultes et les menaces, par des camarades plus âgés, envers les enfants nés en 2010. Le hashtag #Anti2010 vise les élèves nés cette année-là, qui rentrent cette année pour nombre d'entre eux en classe de 6e.

Sur les réseaux sociaux, des moqueries s'enchaînent sous ce mot d'ordre, générant un véritable harcèlement de ces nouveaux collégiens.

La Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) demande au gouvernement d'agir.

Jeudi, Jean-Michel Blanquer a réagi dans une vidéo postée sur son compte Twitter, appelant à ne rien laisser passer en s'adressant aux collégiens et collégiennes. "C'est évidemment complètement stupide, contraire à nos valeurs", a déclare le ministre de l'Éducation nationale.

Un courrier a même été envoyé aux chefs d'établissement les appelant à la "vigilance".

"Le bon accueil des élèves de 6e et leur intégration réussie grâce à la bienveillance de leurs camarades et des adultes sont un enjeu essentiel de la vie scolaire au collège", rappelle en préambule Jean-Michel Blanquer, dans un courrier envoyé aux chefs d'établissement jeudi soir. 

Le ministre de l'Education nationale demande ainsi aux proviseurs "d'être très attentifs et de mettre en place les procédures de signalements et de prise en charge adéquates, comme encourager les familles à contacter le 3018 pour demander le retrait de la vidéo en ligne et des commentaires et atténuer ainsi la viralité; rédiger un "fait établissement" de niveau 2 ou 3; contacter si besoin l'équipe mobile de sécurité afin de ne pas laisser un traumatisme s'installer ou encore rappeler que si un élève de la classe ou de l'établissement est identifié comme harceleur, il est passible de sanction disciplinaire". 

"C'est pas méchant, mais..."

Au collège, le bizutage des 6e sur les réseaux sociaux est parti d'une chanson.

Au collège tout le monde connait le clip qui fait la publicité d'un jeu pour enfant: les "Pop-it".

"Pop It Mania", chanté par la jeune Youtubeuse de 11 ans, Pink Lily, qui donne l'occasion aux collégiens de se moquer des jeunes 6e, fraîchement arrivés au collège.

Les moqueries vont bon train sur les réseaux sociaux.

"On leur dit qu'ils vont jouer aux cartes Pokémon toute leur vie, à Fortnite, t'es un bébé, des choses comme ça...", concède Tino 13 ans, qui est en 4e. "C'est pas méchant. Mais après, quand on y repense, ça peut être blessant surtout qu'ils sont plus petits."

Mais parfois les mots sur les réseaux sociaux sont durs: "Brigade anti-2010, personne n'aime les 2010". Inès, en 6e, préfère ignorer ces insultes.

"Tous les gens qui font ça se cachent derrière un écran. Je m'en contre-fiche. Je vis ma vie!"

Un avis que partageait Marlène, une maman sur RMC. Découvrant ce phénomène, elle a interrogé sa fille qui vient d'entrer en 6ème, confiant que "certains de ces jeunes enfants se sentent en insécurité" dans les cours de recré.

"Il faut avoir le courage de parler aux jeunes des problèmes qu'ils vont rencontrer avant qu'ils les rencontrent"

Pour Justine Atlan, directrice générale de l'association e-Enfance, il faut tout de même relativiser: ce n'est ni plus ni moins qu'une forme de bizutage contemporain.

"C'est une occasion de parler à tous de ce que c'est d'être un adolescent sur le numérique. Il faut avoir le courage de parler aux jeunes des problèmes qu'ils vont rencontrer avant qu'ils les rencontrent."

La fédération des parents d'élèves, elle, appelle le gouvernement a réagir et mettre en place une véritable politique de protection de l’enfance sur les réseaux sociaux.

Un phénomène toutefois minimisé par le principal syndicat des chefs d'établissement (SNPDEN). "Nous n'avons pas du tout constaté d'incidents de ce type dans les établissements, et aucun des 70 chefs d'établissement réunis en conférence nationale cette semaine n'avaient entendu parler de ce mouvement sur les réseaux sociaux", a affirmé à l'AFP Bruno Bobkiewicz, son secrétaire général.

Contactés par l'AFP, plusieurs pères et mères de famille d'élèves en classe de 6e nés en 2010 ont affirmé que leurs enfants "n'étaient pas du tout concernés par cette campagne harcèlement". 

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Familles encouragées à contacter le 3018

Preuve que l'affaire est prise au sérieux, le ministère a même fait suivre dans la soirée un mail aux chefs d'établissements. On leur demande de redoubler de vigilance face à ces situations de harcèlement, de faire remonter les faits notables, ou encore d'encourager les familles à contacter le 3018. C'est le numéro national contre les violences numériques, qui permet de demander le retrait d'une vidéo en ligne, et des commentaires qui l'accompagnent.

Romain Poisot (avec J.A.)