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"C'est une aliénation organisée": le nouveau "guide" officiel de la petite enfance fait polémique

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À trois jours de la rentrée, le secteur de la petite enfance découvre les nouvelles consignes dans les crèches. Un nouveau guide pratique a été dévoilé durant l'été, au nom de la lutte contre la maltraitance. Mais il ne fait pas l'unanimité, et est dénoncé par une partie des professionnels qui déplorent une éducation positive dévoyée et surtout l'absence de sanction.

À quelques jours de la rentrée, le “référentiel national de la qualité d'accueil du jeune enfant”, sorte de guide pratique de la petite enfance à destination des professionnels du secteur, fait débat. Un collectif mené par la psychologue Caroline Goldman dénonce une éducation positive dévoyée et surtout l'absence de sanction.

Si on suit les préconisations, on ne doit pas forcer les enfants à faire la sieste, à goûter des aliments ou même à finir leur assiette. Il faut accueillir toutes les émotions de l’enfant sans les minimiser. Pas de "ce n’est pas grave" quand l’enfant pleure par exemple.

Les professionnels doivent éviter de gronder l’enfant lorsqu'il crie, qu’il jette des objets ou qu’il initie un conflit avec un autre enfant. Proscrites également, les punitions comme l’isolement au coin. Le guide préconise plutôt le dialogue ou une mise à l'écart de l’enfant, mais avec un professionnel.

"C'est lunaire et surréaliste"

De quoi faire grincer des dents aux signataires de la tribune publiée la semaine dernière dans Le Point et signée par 600 experts. Ils condamnent un “maternage précoce” et la confusion entre émotions et pulsions de l’enfant comme l’agressivité, qui doit selon eux être contenues par l’auxiliaire.

Parmi les signataires, la docteure en psychologie de l’enfant et de l’adolescent, Caroline Goldmanqui estime que ces nouvelles consignes sont en réponse aux récents scandales de maltraitance dans les crèches, mais que les consignes énoncées dans le guide ne sont pas les bonnes.

"C'est une aliénation organisée des auxiliaires de puériculture", résume la spécialiste.

"Le temps des maltraitances est révolu, mais il est à mon sens absolument nécessaire de signifier à l'enfant par des paroles (ce qui ne va pas). Je n'en reviens pas d'avoir besoin de dire ça de façon publique, c'est lunaire et surréaliste", appuie-t-elle.

"À un moment, il faut savoir aussi dire stop"

"A part épuiser encore un peu plus les professionnels de la petite enfance et rendre les enfants fous, je ne vois pas du tout quel profit il y aurait du côté d’une amélioration des situations de malveillance, qui, par ailleurs, doivent absolument être jugulées bien évidemment. Mais ce n’est pas en amenant de nouveaux problèmes qu’on va le résoudre", tacle-t-elle ce vendredi sur RMC, regrettant "l'amateurisme" du comité ayant préparé ce référentiel.

"C'est une OPA réalisée par des vendeurs de psychologie positive. Ce n'est pas raisonnable", accuse-t-elle.
Le choix d'Apolline : Caroline Goldman - 29/08
Le choix d'Apolline : Caroline Goldman - 29/08
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Pour les signataires de la tribune, les enfants sont surtout encouragés à laisser déborder leurs pulsions. Sandrine Givelet-Normant dirige une crèche associative à Alès dans le Gard.

"L’enfant, il fait une méga-crise et en plus, il faudrait le prendre dans les bras et lui dire ‘oui, tu cries mon chéri vas-y, exprimes-toi? À un moment, il faut savoir aussi dire stop. Pour s’insérer dans la société, on a besoin de cadre”, estime-t-elle.

Un manque de personnel

Ce collectif estime que dans ce guide, la punition est confondue avec la maltraitance. Et qu'il est souhaitable parfois d'isoler un enfant pour qu'il se calme. Inefficace juge Cyrille Godfroy, co-secrétaire général du syndicat national des professionnels de la petite enfance.

“Si un enfant mord un autre enfant, ce n’est pas en le punissant qu’on va régler le problème. Les petits bouts de chou qui sont, en aucun cas, autonomes, il faut quand même être le plus bienveillant possible avec eux”, appuie-t-il.

Un guide qui n'est qu'une boussole, rien de contraignant pour un secteur qui peine à recruter. 10.000 professionnels sont manquants selon un rapport de l'Assemblée nationale.

Clara Gabillet et Lou Garnier avec Guillaume Descours