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"L'encadrement est plus structuré": l'école privée continue de concentrer les élèves des familles aisées

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C'est un constat à chaque rentrée, les écoles, collèges et lycées privés concentre la majeure partie des élèves de familles aisées. Et le fossé semble même s'accentuer.

A chaque rentrée, le phénomène s'accentue et le constat perdure: les élèves des écoles, collèges et lycées privés sont de plus en plus issus de familles riches et le fossé se creuse avec le public. Mais pourquoi des familles vont dans le privé payant, plutôt que le public, qui reste gratuit?

"On fait le choix du privé pour que notre fille bénéficie d'un environnement plus calme", assure à RMC le père d'une ado devant un collège privé de Malakoff dans les Hauts-de-Seine. "Les élèves perturbateurs sont plutôt dans le public", assure-t-il.

"Dans le public on avait beaucoup de grèves avec des profs absents et pas remplacés", se rappelle une mère de famille. "À la base on voulait qu'il reste dans le public parce qu'il est proche de chez nous mais on a fait le choix du privé parce que l'encadrement est plus structuré pour lui", renchérit un autre père de famille.

Un tas de raison pour lesquels les parents qui en ont les moyens choisissent le privé. Et cela donne des situations incroyables: à Roubaix dans le Nord, on peut trouver un collège public qui fait partie des 10% des établissements les plus défavorisés de France, et à 10 minutes à pied, un établissement privé qui est dans les 5 % les plus favorisé du pays. Même écart à Argenteuil, à Perpignan, ou à Mulhouse, des villes où le plus select du privé côtoie le plus pauvre du public.

Comme le rappelle Le Parisien, 41,7% des élèves du privé étaient de situation économique "très favorisée" en 2023 selon un rapport de la Cour des comptes, contre 26,4% en 2000.

La concentration d'élèves défavorisés "plutôt négative pour les apprentissages scolaires"

Youssef Souidi, économiste et auteur de Vers la sécession scolaire (éd. Fayard) analyse ce phénomène et estime que dans la plupart des grandes villes, voire même des villes moyennes, le privé accueille une population très homogène socialement.

"Là où on peut donner raison aux parents c'est que la concentration d'élèves défavorisés est plutôt négative pour les apprentissages scolaires. Et ces établissements plus défavorisés ont plus de mal à avoir une équipe éducative stable", ajoute-t-il.

Et ça place les parents d’élèves face à de vrais cas de conscience: "On demande aux parents de choisir entre être bon citoyen ou bon parent et ça fait peser une pression énorme sur leurs épaules", poursuit Youssef Souidi.

Des tarifs différenciés en fonction du revenu dans peu d'établissements privés

La question des tarifs reste un vrai dilemme. Depuis cette année, un quart des établissements privés catholiques ont des tarifs différenciés selon les revenus des parents. Mais pour Stéphane Gouraud, adjoint du secrétaire général de l’enseignement catholique: ils ont un équilibre financier à tenir, ils ne bénéficient pas toujours de subvention, pour la cantine par exemple, donc le privé reste forcément plus cher pour les familles.

"On a été tenus à l'écart de tous ces réseaux d'éducation prioritaire donc il ne faut pas nous reprocher de ne pas assumer la mixité", se défend-il.

"Ce n'est pas aux parents de devoir faire des choix pour la qualité de l'enseignement. C'est plutôt aux politiques publiques et aux acteurs de l'éducation de faire en sorte que l'offre éducative convienne", ajoute Stéphane Gouraud.

Des solutions inefficaces?

Certains départements cherchent à casser cette ségrégation sociale, notamment en Haute-Garonne, où le président du département Sébastien Vincini est particulièrement sensible à ces questions de mixité: "J'ai réalisé que j'étais un enfant de Smicard au moment où j'entendais parler de futures études, de classes prépas et que je ne comprenais pas de quoi on me parlait. C'est important la mixité sociale", insiste-t-il.

Il a décidé d’instaurer un bonus/malus dans les collèges de Haute-Garonne. S’il y a beaucoup de mixité, il aura de l’argent public en plus, s’il n’y en a pas ou peu, il y en aura moins. Mais il le reconnaît lui -même, ça n’a pas d’effet. Pourquoi ? Parce que moins il y a de subventions publiques, plus le privé est cher, donc réservé aux plus riches.

Le choix de la rédac : Les élèves de familles aisées concentrés dans le privé - 02/09
Le choix de la rédac : Les élèves de familles aisées concentrés dans le privé - 02/09
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Autre idée cette fois dans le Finistère. La-bas, le département alloue les mêmes aides pour la cantine aux boursiers du public et du privé: un repas à 2 euros maximum: "Il n'y a pas deux catégories de Finistériens et de contribuables on a donc décidé de faire l'équité pour les 20% d'élèves boursiers", explique Maël de Calan, le président du département du Finistère.

"Cette dualité des réseaux est une chance, pourvu que le réseau privé ne soit pas réservé à une élite et soit aussi démocratique que le public".

Mais à l’heure ou l’argent public est rare, aider les familles défavorisées à aller dans le privé semble utopique. Il faudrait donc une révolution dans l’éducation nationale, mais pour ça, il serait bon qu’un ministre de l'Éducation tienne plus d’une année.

Bérengère Bocquillon et Louise Sallé