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Lille: pourquoi le lycée musulman Averroès pourrait perdre son financement public

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Le premier lycée musulman de France, le lycée Averroès de Lille, pourrait perdre son financement public après un rapport du préfet du Nord. Le lycée se défend et conteste les accusations. Une commission doit trancher sur ce cas ce lundi.

Le lycée Averroès a été le premier établissement musulman sous contrat avec l’Etat. Sous contrat, cela veut dire que les professeurs sont payés par le ministère de l'Education nationale, ainsi qu’une partie des frais généraux. L’établissement accueille environ 800 élèves: 400 au lycée, 400 au collège. Il a été créé il y a vingt ans pour accueillir 19 jeunes filles musulmanes qui venaient d'être renvoyées de leur collège parce qu'elles ne voulaient pas enlever leur voile.

Depuis, le lycée n’a cessé de se développer et de grandir. Il est devenu un des meilleurs de la région avec 98% de réussite au bac. En 2008, il a obtenu ce fameux statut d'établissement sous contrat avec l'État. Et c’est cet agrément que le lycée Averroès pourrait perdre ce lundi.

Qu'est-il reproché au lycée?

C’est le préfet du Nord qui a saisi la commission consultative académique, forcément avec l’accord du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, lui-même élu de la région. Ce préfet a écrit un rapport de 12 pages extrêmement sévère. Il dénonce des financements qui posent question, il parle d’une communauté enseignante “inquiétante", et il évoque le contenu de livres qui seraient enseignés dans les cours d’éthique.

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Expliquez-nous par Nicolas Poincaré : Lycée musulman Averroès, financement public menacé - 27/11
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L’exemple qui est donné est celui d’un texte étudié par les élèves de seconde. Un texte écrit par un imam syrien du 13e siècle qui défend que l’apostasie, c’est-à-dire le renoncement à la religion, est punissable de la peine de mort. Les commentaires contemporains de ce texte parlent de l’interdiction pour une femme de se faire soigner par un homme. Ou encore de ne pas mélanger les femmes et les hommes sur leur lieu de travail.

Parmi les autres reproches fait au lycée, il y a un article d’un professeur après l’attentat contre Charlie Hebdo qui était titré "Pour en finir avec la démocratie", ou bien des travaux d'élèves qui s'interrogent sur la théorie de l’évolution ou qui se demandent si le Covid n’est pas une création de l’institut Pasteur.

Le rapport du préfet s’interroge aussi sur les financements du lycée. Le préfet évoque une subvention de 900.000 euros versée par le Qatar, que les journalistes Georges Malbrunot et Christian Chesnot avaient révélée dans un livre. Le rapport estime que cette subvention du Qatar avait pour but d’enraciner un Islam politique au sein des communautés musulmanes de France. Et c’est bien cela qui est reproché à Averroès: d'être sous l’influence des Frères musulmans, organisation qui prône un Islam radical.

Que répond la direction du lycée?

Le directeur du lycée, Eric Dufour, est un homme qui a commencé sa carrière dans l’enseignement catholique. Puis il s’est converti à l’Islam, il est devenu prof de français à Averroès et finalement directeur.

Il ne conteste pas les subventions du Qatar et de la Ligue arabe, mais il affirme que ces financements sont légaux, qu'ils sont publics et qu’ils ne sont pas versés en échange d’une influence.

Sur le livre contesté de l’imam syrien, l’avocat du lycée affirme que les élèves ne l’ont jamais eu entre les mains, que c’est un support théologique réservé aux enseignants.

Une pétition de défense du lycée adressée à Emmanuel Macron affirme qu'à Averroès, tous les cours sont mixtes, que les minutes de silence à la mémoire de Samuel Paty et de Dominique Bernard ont été respectées sans aucun incident, et que tous les élèves de 3e sont allés voir un film sur la vie de Simone Veil.

Globalement, le lycée dénonce un grand nombre d’inexactitudes ou d’inventions dans le rapport du préfet et envisage de porter plainte contre le préfet pour faux en écriture publique. Si la commission qui se reunit ce lundi devait décider de couper les vivres au lycée musulman, c’est devant la justice que la question se réglerait finalement…

Nicolas Poincaré (édité par J.A.)