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Nos élèves nuls en maths? "On ne fait qu'alourdir les programmes et supprimer des heures"

A 10 ans, les petits Français affichent les pires résultats de l'Union européenne en mathématiques et ne dépassent qu'un seul pays, Chypre, en sciences, selon une étude internationale publiée mardi (photo d'illustration)

A 10 ans, les petits Français affichent les pires résultats de l'Union européenne en mathématiques et ne dépassent qu'un seul pays, Chypre, en sciences, selon une étude internationale publiée mardi (photo d'illustration) - Fred Dufour - AFP

Les écoliers français sont nuls en maths, si l'on en croit une étude internationale publiée ce mardi. A 10 ans, ils affichent les pires résultats de l'Union européenne. Claire, prof de maths en collège, n'avait pas hésité à utiliser le dab de Paul Pogba pour donner goût aux maths à ses élèves. Joint par RMC.fr, elle donne son ressenti sur ces résultats inquiétants.

Claire est professeure de mathématiques en 6e et 4e à Aubervilliers (Seine-St-Denis).

"Je n'ai pas l'impression que les élèves sont nuls. Des études pour dire que les élèves français sont nuls et que le niveau baisse, on en voit souvent passer. Franchement je ne pense pas que les Français soient si bêtes que ça. Peut-être que les nuls sont très nuls en France. Mais on a aussi des forts qui sont très forts, alors…

Les maths c'est toujours une matière compliquée pour tout le monde: soit on adore, soit on déteste. Je ne pense pas que ce soit pire qu'avant, mais beaucoup de gens font des blocages sur les maths et c'est compliqué de faire comprendre aux élèves que s'ils n'ont pas aimé les maths à un moment ils peuvent quand même y arriver. Peut-être est-ce parce que les instits en primaire ont du mal à enseigner les mathématiques aux élèves, parce qu'ils sont pluridisciplinaires et ne viennent pas forcément du domaine scientifique?

"3h30 de maths par semaine en 4e, ce n'est pas assez !"

En 6e les élèves sont majoritairement intéressés par la matière, et ont la volonté d'essayer de comprendre. Mais la 6e c'est aussi l'année où on commence à décrocher en maths, et quand on commence à décrocher c'est très dur de se rattraper pour tout le reste du collège et même du lycée. Les maths, c'est une matière où on empile des choses en permanence et on a toujours besoin des choses vues avant, du coup en 4e on se retrouve avec des élèves qui ne maîtrisent pas ce qu'ils sont censés avoir appris avant. Ça devient alors très difficile de les faire travailler, parce qu'ils ont trop de lacunes et qu'elles sont difficiles à combler.

Mais on ne fait qu'alourdir les programmes et enlever des heures de maths, donc forcément, à un moment on n'arrive plus à prendre du temps pour aider les élèves en difficulté. On a un programme et il faut le suivre. Cette année, il y a eu une grosse réforme des collèges, les programmes ont un peu changé mais ne se sont pas vraiment allégés: on nous a rajouté une grosse partie d'algorithmique tout en nous enlevant des heures. Les 6e ont 4h30 de maths par semaine, et les 4e ont 3h30 dans mon établissement. C'est très léger, surtout qu'il y a une heure qui est censée être de l'accompagnement personnalisé. Ça ne suffit pas! On nous demande de faire plus de choses avec moins de temps et de moyens, c'est compliqué.

"Je ne me sens pas visée en tant que prof"

Je ne me sens pas visée du tout en tant que prof. Les études internationales je m'en fiche, j'essaie de donner le meilleur enseignement possible à mes élèves. L'an dernier j'étais plutôt dans un collège privilégié, et là je suis en Seine-Saint-Denis. C'est vrai que le niveau n'est pas le même alors j'ai adapté ma façon de faire. J'ai notamment fait cet exercice autour du dab (geste) de Paul Pogba pour étudier le théorème de Pythagore. Je vais essayer de faire des exercices comme ça de temps en temps, mais bon, en maths on est obligé de faire parfois des calculs pénibles. Le ludique de temps en temps c'est bien, mais l'école ne peut pas être que ludique, ça doit passer par l'apprentissage de trucs chiants, ça ne peut pas être que du jeu.

Ce que j'attends du prochain ministère de l'éducation nationale? Déjà, ne pas supprimer des postes! J'ai un peu peur de ce qui va se passer en 2017. On essaie de nous coller des réformes de pédagogie mais ça ne nous sert strictement à rien. Il faudrait plus d'enseignants, moins d'élèves par classe. Mais ça coûte de l'argent et ils n'ont pas l'air de vouloir faire ça. Il y a aussi une grosse pénurie de prof de maths, du coup le niveau du CAPES baisse beaucoup, les profs ne sont pas formés, on engage des contractuels qui sont encore moins formés que les profs… Mais il faut aussi arrêter de dénigrer le métier d'enseignant et de le rendre tout sauf attractif".

Propos recueillis par Philippe Gril