Nouveau programme d'éducation sexuelle: "Certains profs ne se lancent pas par peur des parents"

Mieux éduquer nos enfants à la sexualité pour les protéger? L'Education nationale va mettre en place un nouveau programme qui sera intitulé "éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité". Le gouvernement le présentera en détail le 5 décembre en vue d'une application à la rentrée scolaire de septembre 2025. De la maternelle au lycée, chaque âge aura son programme adapté. Une loi oblige pourtant depuis 2001 les établissements scolaires à organiser trois séances par an sur ces questions, mais, en pratique, seuls 15% des élèves en bénéficient.
Le nouveau programme semble pour le moment salué par professeurs et parents d'élèves. "C'est super s'il y a un vrai programme qui existe, les profs pourront s'appuyer dessus. Malheureusement, le plus gros obstacle à cela est le manque de formation des profs, par manque de temps imparti dans les emplois du temps", explique sur RMC Lolita Rivé, professeure des écoles à Paris, productrice du podcast C’est quoi l’amour, maîtresse ?.
Le terme de "sexualité" cristallise les crispations
Autre obstacle: certaines familles sont totalement réticentes à toute discussion sur ce sujet. "Ce sont des enfants, c'est trop jeune", témoigne par exemple Jérémy, auditeur RMC intervenant dans Apolline Matin ce 30 octobre et père de famille. "Ce que j'entends, ça me bouleverse. Pour moi, ce n'est qu'à partir de la 3e qu'on peut leur parler de ça", juge-t-il.
Le psychiatre Serge Hefez confirme que l’éducation à la sexualité est encore taboue chez certains. "Les familles sont, c'est vrai pour beaucoup, frileuses à une éducation à la sexualité. Car elles voient leurs enfants comme des anges assexués et ne voient pas à quel point leurs enfants baignent dans un climat très sexualisé", explique-t-il.
"La peur des parents est une des raisons pour lesquelles les profs ne se lancent pas actuellement", concède Lolita Rivé.
"La plupart des familles sont très contentes qu'on le fasse à l'école"
"Mais je pense que c'est une peur surestimée", poursuit-elle. "Quand je le fais dans ma classe, ce ne sont pas les parents, le problème. Il y a toujours une ou deux familles qui chaque année vont vous dire que ce n'est pas à nous de parler de ça. Mais la plupart sont très contentes qu'on le fasse à l'école. Car soit ça perpétue un travail qu'elles ont initié à la maison, soit on fait un travail qu'elles n'ont pas envie de faire avec leurs enfants", note-t-elle.
D'autant que l'argument de la jeunesse n'est pas vraiment recevable pour elle. "On a oublié que ces sujets là apparaissent en maternelle et primaire", juge-t-elle.
"Des sujets intimes de non consentement, mais aussi de curiosité. Bien avant le collège et le lycée, les enfants ont des questions et un intérêt pour le monde qui les entoure", rappelle-t-elle.
Elle assure que la majorité des thèmes de cet enseignement en maternelle et à l'école ne relèvent que des relations entre les enfants: le consentement, l'amitié, l'amour, et aussi apprendre à nommer les parties du corps. "Ils ont le droit à ces informations-là", plaide-t-elle.
"Ce terme de 'sexualité' cristallise des crispations car on a l'impression que l'on apprend la sexualité adulte à des enfants. Ce n'est pas le cas", conclut-elle.