RMC
Éducation

"On n'est pas des nounous": des enseignants en souffrance face à "des parents démissionnaires"

placeholder video
La situation se dégrade à l'école publique. Les enseignants déplorent le manque de formation, l'absentéisme des parents et le manque de moyens. Résultat, le niveau général des élèves ne cesse de baisser. Le ministère de l'Éducation nationale tente de rectifier le tir mais agit trop tard selon les enseignants.

Le déclassement semble impossible à stopper. La France ne cesse de dégringoler au classement Pisa, le classement référence dans le milieu scolaire. Classée 15e en 2000, la France est 23e, sur 79 pays évalués, selon le dernier classement de décembre 2022. Même constat en lecture et en mathématiques où la France chute aussi, passant de la 11e à la 25e place. Des résultats en berne qui se ressentent à l'école. Ainsi, 40% des sixièmes ont des difficultés de lecture.

Certains pointent du doigt la responsabilité des nouvelles technologies, les écrans ayant remplacé les livres à la maison. "Il y a aussi les parents", déplore l'enseignante des "Grandes Gueules" Barbara Lefebvre. "Qu'est-ce qu'un enfant de 6, 7, 8 ans fait le soir avec un écran dans son lit? Normalement, au moins jusqu'au collège, on n'a pas d'écran dans sa chambre et le soir on bouquine", ajoute-t-elle.

"On n'a plus aucun levier, on n'a plus d'autorité, on n'a plus rien"

Morgane, enseignante dans les Deux-Sèvres, en arrêt pour burn-out, déplore également le manque d'implication des parents. "Beaucoup de parents ne suivent pas. On ne peut pas tout faire en classe, être derrière 30 élèves, s'il n'y a pas un minimum de suivi des parents. Il y a trop de parents qui mettent leurs enfants devant des écrans parce que c'est plus facile, qui ne font pas les devoirs", souligne-t-elle.

"Quand on décèle des choses chez des enfants et qu'on demande aux parents de faire un suivi par un orthophoniste, on n'est pas écouté. On n'a plus aucun levier, on n'a plus d'autorité, on n'a plus rien. Il y a des parents complètement démissionnaires", constate Morgane.

"On n'est pas des nounous améliorées", rappelle Marie, professeur des écoles en Seine-et-Marne, elle aussi victime d'un burn-out il y a six ans. "Beaucoup de parents ne voient pas l'enjeu pour l'avenir", estime-t-elle, ajoutant que désormais, seules les maternelles ont encore le goût de l'effort.

Résultat, les professeurs sont de plus en plus nombreux à démissionner sans être remplacés. "On est lâchés, on est en auto-formation permanente", ajoute Morgane. Elle raconte s'être occupée plusieurs années de CE1, avant d'être placée cette année, sans formation, au sein d'un dispositif Ulis, une unité localisée d'inclusion scolaire, pour s'occuper d'enfants en situation de handicap. Avant de faire un burn-out, donc.

Les professeurs des écoles à la rescousse du collège

Pour tenter d'arrêter la dégringolade des élèves français, le ministère de l'Éducation nationale doit mettre en place une heure de renforcement en français et en mathématiques en 6e, dès la prochaine rentrée scolaire. Une initiative du ministre lui-même qui se ferait au détriment de l'école primaire, selon Barbara Lefebvre.

"C'est bien gentil de nous mettre du soutien mais on enlève la techno pour ça et on demande à des profs d'école primaire de venir le faire. C'est extraordinaire, Pap Ndiaye n'a jamais vu ce que c'est qu'un emploi du temps d'un prof d'école primaire", tacle-t-elle. "C'est au primaire, à partir du CP, que tout l'effort doit être mis, pas en 6e. En 6e, c'est presque trop tard", assure l'enseignante. "On dit en gros que ce sont les enseignants du primaire qui ont mal fait leur boulot avant et on leur demande de venir mal le faire en 6e", juge Morgane.

Pour progresser, rien de mieux qu'un encadrement massif des élèves, plaide Barbara Lefebvre, qui note que les pays les mieux notés au sein du classement Pisa sont les pays où les élèves bénéficient du meilleur taux d'encadrement.

G.D.