Un couvre-feu numérique pour les mineurs? “L'État doit faire la nounou car les parents n’éduquent pas”

Création d'un "addict score", "couvre-feu numérique": "l'état d'urgence doit être déclaré contre les écrans" avec des "mesures radicales" pour "sauver" la jeunesse des effets délétères des réseaux sociaux, exhorte une tribune co-signée par l'ex-chef du gouvernement Gabriel Attal et le pédopsychiatre Marcel Rufo.
"Entre anxiété, dépression ou troubles du comportement alimentaires... la santé de nos jeunes est en péril" et "la responsabilité des écrans est immense", affirment-ils dans ce texte publié par Le Figaro mardi.
"Si nous ne faisons rien, les écrans et leurs contenus tueront notre jeunesse à petit feu et, à la fin, notre société toute entière", alerte leur tribune, un an après le rapport Enfants et écrans réalisé par une commission d'experts voulue par le président Emmanuel Macron.
Des écrans qui altèrent la santé et les capacités intellectuelles
Alors que les adolescents "passent entre 3h30 et 5h par jour devant un écran", l'ancien Premier ministre et le pédopsychiatre proposent de créer un "entretien d'évaluation" de la dépendance aux écrans à "l'entrée en 6ème, puis en 2nde".
Des vérifications d'âge similaires à celles imposées aux sites pornographiques pour interdire l'accès des moins de 15 ans aux réseaux sociaux et "un couvre-feu numérique" pour empêcher "de 22h à 8h du matin" cet accès aux jeunes de 15 à 18 ans sont aussi préconisés. Pour cette tranche d'âge, les réseaux sociaux devraient "passer en noir et blanc pour une heure au moins" après 30 minutes d'usage, pour réduire leur attractivité.
L'accès aux réseaux sociaux serait limité à une heure pour les mineurs: "même la Chine le fait avec TikTok - pour une fois, inspirons-nous de ce que fait ce pays !", lancent les auteurs de la tribune, alors qu'une commission d'enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs a été lancée à l'Assemblée.
Un "addict-score public, sur le modèle du Nutri-score" pourrait être créé pour "évaluer le potentiel addictif des applications et des plateformes". Enfin, ils proposent que "2% des revenus générés" par les activités des plateformes en France aillent à un fonds finançant la recherche et la prise en charge de la santé mentale.
Dans une autre tribune publiée mardi, cinq sociétés savantes appellent à proscrire les écrans pour les enfants de moins de six ans car elles "altèrent durablement leur santé et leurs capacités intellectuelles".
“Le meilleur des couvre-feu reste l’éducation"
Alors, faut-il instaurer un couvre-feu numérique pour les mineurs? Les Grandes Gueules débattent ce mardi. Pour Barbara Lefebvre, “l’idée est excellente mais quelle est la modalité d’application? Les enfants vont-ils faire des attestations?”, questionne-t-elle.
“Le problème c’est que l’Etat est obligé de faire la nounou. On doit faire une loi pour expliquer le rôle de parent. L'État n'aurait pas besoin de jouer la nounou si les parents éduquaient leurs enfants. On en vient à faire une loi inapplicable pour leur expliquer leur rôle de parent”, poursuit-elle. Cette dernière explique avoir limité le temps d’écrans sur le téléphone de sa fille, une solution qui fonctionne pour sa famille.
Mais son avis n’est pas partagé par Flora Ghebali, qui estime que “culpabiliser les parents alors que les enfants ont plus d’un tour dans leur sac pour déjouer l’autorité parentale”, c’est contre-productif. Le docteur Jérôme Marty est mitigé. C’est indéniable pour lui, les écrans impactent le sommeil et l’attention, “mais plutôt qu’un couvre feu, il faut en parler beaucoup et très tôt, dès qu’ils sont en âge de comprendre”.
"Il faut faire son rôle de parent, c'est-à-dire accompagner et éduquer. Ce sont des outils utiles et inévitables et surtout que les adolescents manient mieux les écrans que nous”.
Le médecin, sidéré de certains comportements, raconte qu'ils voient des parents donner des écrans pour calmer leurs enfants lors de consultation. Ludovic, un auditeur, partage l’avis de Barbara: pour lui, “le meilleur des couvre-feu reste l’éducation des parents”.