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Vers une loi contre la publication de photos d'enfants sur les réseaux sociaux?

Trois députés entendent légiférer sur la diffusion de photos d'enfants sur les réseaux sociaux, alors que rien n'interdit la pratique à l'heure où toute une génération internet arrive à l'âge de la parentalité.

Faut-il limiter la publication sur les réseaux sociaux de photos d'enfants, qui sont légion chez les jeunes parents? Trois députés de la majorité s'en inquiètent et veulent légiférer. Bruno Studer, Aurore Bergé et Eric Poulliat ont déposé une proposition de loi qui vise à garantir le respect du droit à l'image des enfants, une façon de dire aux parents d'arrêter de surexposer leur progéniture sur les réseaux sociaux.

En théorie, il est interdit aux enfants de moins de 13 ans d'avoir leur propre compte sur les réseaux sociaux mais leurs photos peuvent s'y retrouver via les comptes des parents. Conséquence, il y a un risque de détournement des photos des plus jeunes.

"L'enfant n'a pas de personnalité juridique"

Le projet vise aussi à légiférer autour de la vie privée des enfants, qui n'existe pas dans le code civil. L'idée est aussi de rappeler que les plus jeunes ont aussi le droit à une vie privée et qu'ils n'ont pas à subir les desiderata de leurs parents.

"La vie privée des enfants existe mais à travers leurs parents. L'enfant n'a pas de personnalité juridique, ce sont les parents qui pourraient faire un procès en cas d'utilisation de son image", rappelle ce mercredi sur le plateau des "Grandes Gueules" l'avocate Marie-Anne Soubré.

"Le problème, c'est que de plus en plus de parents considèrent leurs enfants comme le prolongement d'eux-mêmes ou parfois leur chose. Certains vont donc 'chosifier' cet enfant en oubliant que sur internet, il n'y a aucun oubli et que les photos peuvent être détournées et parfois utilisées par les réseaux pédophiles. Les gens ne se rendent pas compte à quel point c'est destructeur pour un enfant d'être mis ainsi sous les projecteurs", alerte l'avocate.

"Il y a un véritable souci psychiatrique que l'on va payer très cher"

Pour l'éducateur Etienne Liebig, rien ne devrait se faire sans l'accord de l'enfant. "On fait de ces enfants des habitués de la représentation d'internet. C'est extrêmement dangereux, ça devrait être fait uniquement avec le consentement de l'enfant", estime-t-il sur RMC et RMC Story.

"On les habitue à filmer ou être filmé pour que l'action existe. On se filme quand on est en train de manger, quand on voyage, ça dénature complètement la vie privée. Il y a un véritable souci psychiatrique que l'on va payer très cher dans quelques années", ajoute l'éducateur.

1,3 million d'abonnés à 4 ans

Car certains enfants sont déjà des stars des réseaux sociaux, habitués à ce que leur vie soient déjà partagées sans arrêt. C'est notamment le cas de Tiago, 1,3 million d'abonnés sur Instagram à seulement 4 ans. Une notoriété numérique rendue possible par ses parents, Julien et Manon Tanti, deux stars de la téléréalité.

Selon Bruno Studer, l'un des rapporteurs de la proposition de loi, un enfant, en moyenne, "apparaît sur 1.300 photographies publiées en ligne avant l'âge de ses 13 ans, sur ses comptes propres, ceux de ses parents ou de ses proches". Le texte doit être soumis au vote de l'Assemblée nationale au mois de mars.

Guillaume Dussourt