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Violences à l'école: les questionnaires proposés aux élèves ne convainquent pas

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Contre les violences physiques et sexuelles à l'école, le gouvernement va distribuer des questionnaires aux élèves. Une "fausse bonne idée" pour les associations qui déplorent ne pas avoir été consultées et pointent du doigt l'anonymat des formulaires.

C'est l'une des conséquences après les révélations de violences physiques et sexuelles à Bétharram. Comme annoncé mi-mars par la ministre de l'Éducation Elisabeth Borne, des questionnaires à destination des élèves en internat ou en voyage scolaire vont être distribués pour faire remonter des faits similaires.

Dans ces questionnaires, plusieurs questions, dont le nombre varie selon l'âge. Pour les collégiens et les lycéens, une quinzaine à choix multiples. Par exemple "avez-vous été témoin de violence au sein de l’internat ?", "comment avez-vous vécu ce voyage scolaire?", "votre intimité a-t-elle été suffisamment respectée?".

Pour les primaires, l'Education nationale mise sur le tutoiement et les pictogrammes avec des questions comme "les adultes ce sont-ils bien occupés de toi?", "quelqu'un a-t-il voulu toucher des parties de ton corps sans que tu sois d'accord?".

Mais les syndicats et associations déplorent des approximations: "Vous croyez qu'un enfant de CP-CE1 est capable de lire neuf questions d'affilée? Des questions fermées en plus?", interroge Martine Brousse, présidente de l'association de protection des jeunes La voix de l'enfant.

"Fausse bonne idée"

L'existence même de ce questionnaire est une barrière à la libération de la parole s'agace Martine Brousse alors que les enfants doivent répondre par "oui" ou "non" aux questions, ce qui laisse peu de place au dialogue:

"C'est une fausse bonne idée, on se précipite parce qu'il y a une actualité, c'est créer un obstacle entre l'adulte et l'enfant, ça voudrait dire que les enseignants ne sont plus capables d'être en dialogue avec les enfants", ajoute-t-elle ce jeudi sur RMC Story.

D'autant que des questionnaires similaires sur le harcèlement ont déjà été mis en place à la rentrée 2023, quand Gabriel Attal était à l'Education nationale. Sans résultat pour l'instant: "On les a remplis avec les élèves et on n'a plus de nouvelles", déplore Romaric, enseignant. "On ne connait pas les résultats, on ne sait pas l'impact que ça a eu pour les enfants", abonde Martine Brousse.

L'invitée de Charles Matin : Violences, un questionnaire pour tous les élèves - 24/04
L'invitée de Charles Matin : Violences, un questionnaire pour tous les élèves - 24/04
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Des questionnaires élaborés sans les associations

Et si ces questionnaires déplaisent autant, c'est qu'ils ont été élaborés sans que les associations ne soient consultées: "L'Education nationale doit arrêter de travailler en solo. Nous on est dans le quotidien des situations d'enfants victimes", avance Martine Brousse.

"On ne veut pas à tout prix critiquer cette démarche mais elle n'a pas de sens", poursuit-elle estimant qu'il aurait fallu associer les infirmières, les médecins scolaires et les parents.

"Comment on va les retrouver?"

Et puis tout est anonyme ajoute Sophie Vénétitay, secrétaire générale du syndicat Snes-FSU: "Notre crainte c'est qu'on se retrouve face à des questionnaires sans nom sans prénom sans capacité d'identifier les élèves alors même que ces élèves nous font part de violences dont ils ont été victime de la part d'adultes de l'établissement scolaire".

"Comment on va les retrouver? Vous pensez qu'ils vont prendre le téléphone? Si les enfants révèlent une souffrance, comment on va pouvoir les accompagner?", s'interroge Martine Brousse.

Ces questionnaires seront expérimentés dans une centaine d'établissements dès lundi prochain nous précise l'entourage d'Elisabeth Borne. Et partout dans le pays à la rentrée de septembre.

Les enfants victimes de violence peuvent contacter le 119 (enfance en danger), le 3018 (harcèlement et violences numériques) et le 3114 (numéro de prévention suicide). Des numéros qui sont indiqués en bas de page des questionnaires distribués aux élèves.

Solène Leroux avec Guillaume Dussourt