Emmanuel Macron à Mayotte: pourquoi l'immigration sera au centre des débats

Emmanuel Macron part ce mardi pour une tournée dans l'Océan Indien, en commençant par une visite à Mayotte. Il y sera beaucoup question d’immigration, puisque les étrangers représentent la moitié de la population de Mayotte.

Dès son arrivée à Mayotte, Emmanuel Macron passera de la "Petite terre" ou se trouve l'aéroport à la "Grande terre" en empruntant un bateau rapide qui vient d'être acquis pour lutter contre les trafiquants d'immigrés clandestins. Et le ton du voyage sera ainsi donné. Le président vient inspecter l'opération anti-immigration mise en place cette année.

Une opération militaire baptisée Shikandra, du nom d’un poisson qui mord. C’est un déploiement de soldats, de douaniers de policiers, de bateaux et d’avions pour intercepter les Kwassa Kwassa, ces bateaux de pêches surchargés qui amène les immigrés des Comores. L’objectif était de reconduire 25.000 clandestins en 2019. Il devrait être atteint.

A Mayotte le thème de l’immigration fait l’unanimité

Il y a en effet une unanimité contre l’immigration clandestine. Un comité de citoyens vient d'écrire à Emmanuel Macron pour se plaindre de cette immigration qui menace tous les équilibres de l’archipel. Une députée La république en marche demande que l’on rende "Mayotte aux Mahorais".

Il faut dire que les chiffres sont parlants. La moitié de la population est étrangère. 25% d'étrangers légaux, 25% de clandestins. C’est l’histoire de la région qui explique cet afflux.

Jusqu’en 1974, l'archipel des Comores était français. En 1974, par référendum, 3 îles comoriennes ont choisi l'indépendance, mais la 4e, Mayotte a voulu rester française. Et en 2011, Mayotte est devenu un département, le 101e département français.

Et bien qu’il soit de loin, le plus pauvre de France, il reste bien plus riche et attractif que les autres îles comoriennes. Et comme les distances ne sont pas très grandes, comme la culture est la même, comme tout les Comoriens ont de la famille à Mayotte, et bien le résultat c’est que les flux migratoires sont très importants.

Le taux de croissance de la population est un des plus élevé du monde. Il y avait 67.000 habitants en 1985, 256.000 aujourd’hui. Une augmentation de 350% en 35 ans. Emmanuel Macron va donc pouvoir adopter une attitude très ferme sur ce thème de l’immigration. Il ne choquera personne. Sauf ceux qui lui reprocheront de ne pas être encore plus ferme.

Une île qui ressemble à un chaudron

L'hôpital de Mayotte héberge aussi la plus grande maternité de France avec 10.000 naissances par an. Les femmes comoriennes viennent accoucher à Mayotte pour que leurs bébés obtiennent la nationalité Française.

Mais les lois se sont durcies récemment. Le droit du sol, n’est plus automatique. La nationalité française n’est plus accordée lorsque les deux parents sont clandestins.

Malgré cela, l'hôpital de Mamoudzou, et les quatre dispensaires qui lui sont rattachés sont des usines à bébés. J’ai parlé lundi avec une sage-femme qui vient d’exercer 10 ans dans un de ses dispensaires. Les sages-femmes travaillent seules avec des aides-soignantes. Il n’y a pas de médecins, et donc pas de péridurale. Il n’y aurait de toute façon ni le temps ni la place pour installer ces péridurales.

Les sages-femmes plaisantent entre elles, en disant qu’elle font naître chaque jour une trentaine de bébés, soit l'équivalent d’une classe à l'école. Et c’est bien ça le problème. L'éducation nationale ne peut pas faire face. Les classes sont surchargées, et fonctionnent par rotation. Les instituteurs accueillent 35 élèves le matin et 35 autres l'après midi. A Mayotte un habitant sur deux à moins de 20 ans. En Métropole, c’est un sur quatre.

Voilà le tableau de cette île qui ressemble à un chaudron. Ajoutez un taux de chômage de 35%, record de France. Des prix plus élevés de 73% et un Smic 25% inférieur à celui du reste de la France. Tout cela pourrait donner un voyage agité pour le président.

Il va marquer son territoire sur l'île Glorieuse

En quittant Mayotte, Emmanuel Macron se rendra mercredi sur l'Île Glorieuse. Là, il aura moins de problèmes parce qu’il n’y a pas d’habitants. C’est une île déserte à mi-chemin entre Mayotte et le nord de Madagascar. Un tout petit éclat de notre ancien empire.

C’est une réserve naturelle avec une faune sous-marine extraordinaire. Emmanuel Macron va parler écologie et biodiversité avec les scientifiques qui vont l'accueillir. Au passage par cette visite, la première d’un président sur l'île Glorieuse, il va marquer son territoire.

Parce que Madagascar conteste que l'île soit française. Et les malgaches n’ont pas tort. Cette île était rattachée à Madagascar jusqu’a l'indépendance. Les Français l’ont détachée en 1960 pour la garder pour eux. Ce qui était interdit par le droit international. Par sa présence Emmanuel Macron, vient dire que la France ne compte pas abandonner ce petit bout de paradis.

Nicolas Poincaré