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Faut-il dire aux enfants la vérité sur le Père Noël?

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La légende du Père Noël fait partie intégrante de la magie des fêtes de fin d'année. Mais entre l'envie de faire rêver votre enfant et la peur de lui briser le cœur, faut-il dire la vérité sur le Père Noël? Et comment mettre fin à ce "mensonge"? Eléments de réponse avec Dominique Tourrès-Gobert, psychiatre et psychanalyste, auteure de Il était une fois le bon dieu, le Père Noël et les fées (éditions Albin Michel)

Dominique Tourrès-Gobert, psychiatre et psychanalyste

"Un mensonge n'est destructeur que lorsqu'il cache quelque chose dont on a honte, dont on se sent coupable, dont on ne veut pas parler. Là, avec le Père Noël, ce n'est pas la même chose. Le mythe du Père Noël est apparu au milieu du 19ème siècle et reprend le personnage de Saint Nicolas qui est un personnage surnaturel, saisonnier et bienfaiteur. Ce qui est intéressant c'est que c'est quelque chose que les parents font croire aux enfants parce qu'eux-mêmes ont pris un grand plaisir à y croire. Ils partagent ce qui a été quelque chose de merveilleux pour eux. C'est donc une sorte de rite initiatique.

Le problème est que dans ce rite, il y a d'abord l'illusion et ensuite la désillusion, la déception de savoir que le Père Noël n'existe pas. Et certains parents, ayant mal vécu cette déception, refusent plus tard de faire croire à leurs enfants que le Père Noël existe. Evidemment, il ne faut pas transmettre quelque chose qui a été un traumatisme, à savoir que d'avoir appris de manière brutal que tous vos désirs ne sont pas tous exaucés et qu'en réalité ce sont les parents qui sont derrière tout ça. Ça n'a aucun intérêt et ça ne marche pas d'ailleurs.

"Il faut accompagner progressivement l'enfant dans cette désillusion"

Mais normalement on n'a pas besoin de dire à un enfant que le Père Noël n'existe pas, il s'en aperçoit de lui-même. En grandissant, l'enfant réalise que ce n'est pas possible. L'enfant y adhère au fur et à mesure qu'il y est prêt. C'est une question de maturité.

Je suis pour la méthode douce. C’est-à-dire que quand l'enfant pose des questions, il faut lui révéler tout doucement. Mais, en général, les enfants font la découverte d'eux-mêmes: avec leurs camarades de classe, en surprenant leurs parents… A ce moment-là, ils ont des doutes. Ils en font part aux parents. Et, selon moi, il ne s'agit pas d'alimenter la croyance mais, au contraire, de dire qu'il s'agit d'un monde merveilleux, qui n'existe pas. Il faut accompagner progressivement l'enfant dans cette désillusion.

"Il n'est pas conseillé de se déguiser"

Habituellement, les enfants s'en rendent compte au moment de l'âge de raison, vers sept ans. Mais si ça n'est pas le cas à 10 ans, il faut peut-être aider l'enfant à prendre conscience de la réalité. En général, la découverte de la vérité se passe sans heurt. Ceux pour qui cela a été une forme de traumatisme, c'est parce que cela ne s'est pas fait progressivement.

De même, pour éviter tout traumatisme, il n'est pas conseillé de se déguiser, de 'jouer' au Père Noël. En effet, cela écrase le fantasme dans une réalité. Au lieu que ça soit quelque chose que l'on donne pour vrai mais qui est quand même largement fantasmagorique, d'un seul coup, un vrai personnage apparaît. De quoi traumatiser un enfant. La preuve, en consultation, j'ai déjà eu des petits qui ont été très affolés de voir des Pères Noël dans la réalité".

Propos recueillis par Maxime Ricard